pascaline

9 mois de ressources pour devenir parents 2.0

Qu’est-ce qu’un parent, qu’est-ce qu’une maman en 2020 ? au-delà des clichés raciaux/ sexistes/ datés, je me suis demandé où trouver les ressources pour m’aider à répondre à ces questions et m’inspirer d’images de parents 2.0 qui collent un peu plus à ma réalité que Françoise Dolto. 

Pour se préparer à un événement important, chaque individu a sa propre méthode. La mienne est de me (sur)documenter, de lire moultes livres, articles, podcasts, de suivre frénétiquement des comptes Insta’, Twitter, Facebook et de devenir un peu monomaniaque sur le sujet qui me préoccupe. Alors avant d’entrer pleinement dans le monde de la maternité, j’ai décidé de partager avec vous les résultats de mes 9 derniers mois de recherches documentaires. 

La grossesse et avant…

Avant de devenir parents, il y a parfois un parcours du/des combattant/es. On parle de plus en plus des injonctions à la maternité. Fiona Schmidt, autrice du livre « Lâchez-nous l’utérus » compile des témoignages de femmes sur son compte Instagram « Bordel de mères » qui témoigne des multiples réalités et pressions que les femmes subissent, qu’elles soient mères ou non.

Il existe de multiples chemins vers la parentalité et vers la maternité. Au moment des débats sur l’ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) à toutes les femmes en France, de nombreux podcasts ont retracés des parcours de femmes engagés dans des « parcours PMA ». Ils m’ont permis de comprendre leurs questionnements, leurs doutes mais aussi leurs difficultés (physiques, psychologiques) à devenir mères et de m’ouvrir l’esprit sur les différents choix de vie que les femmes et les couples peuvent faire. 

Le premier podcast qui m’a marqué est PMA hors la loi produit par France Culture (Les pieds sur terre) et retraçant les mésaventures d’une femme qui veut un enfant, la documentariste et scénariste Adila Bennedjaï-Zou sur un ton très intime et personnel. 

Le second podcast Plaisir d’offrir d’Arte radio traite d’une autre dimension de la PMA que l’on connait mal, le don d’ovocytes, à travers l’histoire de Klaire fait Grr qu’elle nous raconte avec beaucoup d’humour et d’humanité. 

Une fois la grossesse en route, de nouvelles questions se bousculent dans nos têtes, notamment sur les milles et uns bouleversements que notre corps traverse. Pour y répondre simplement et en images, j’ai découvert le compte Instagram de Juju la gygy, Gynéco-obstétricienne et maman de trois enfants, qui présente avec humour dessins et mini vidéos sur le monde fascinant de la grossesse et des femmes : la prémanurité, la grossesse et le Covid, mais aussi l’endométriose, l’anatomie des femmes, les hormones…

A l’heure de boucler cet article je découvre aussi un tout nouveau podcast fabuleux,  Sage-meuf, de la célèbre chroniqueuse Anna Roy, de l’émission « La maison des maternelles » pour briser les tabous sur la maternité. Vous pouvez aussi suivre le compte Instagram plein de ressources de celle qui a été le repère médical de nombreuses (futures) mamans dans une période de confinement particulièrement questionnante. 

La matrescence et le post partum

En parlant de bouleversements, il est un mot qui traduit ceux que vivent les femmes lorsqu’elles deviennent mères : la matrescence, « un terme issu de la contraction des mots maternité et adolescence qui traduit la profonde transformation que vivent les femmes en devenant mères. »

Je vous avais parlé ici du podcast de Clémentine Sarlat.

Plusieurs épisodes de La Matrescence abordent la question du post-partum que l’on appelle parfois le quatrième trimestre de la grossesse pour dépasser l’image idyllique d’après la naissance et mettre en lumière les difficultés que peuvent rencontrer les jeunes mamans.  

Le mois d’or

Vivre son postpartum avec des triplettes

Etre parents et un couple, combo parfait pour le baby clash ?

Comment soigner son post-partum? Julia Simon, naturopathe

https://www.instagram.com/p/CGIPxjZFOV6/?utm_source=ig_web_button_share_sheet

Pour compléter ces épisodes, il existe de nombreux comptes Instagram qui montrent une réalité parfois crue mais trop souvent tue de ces moments, comme le compte Post-partum ta mère

La paternité 

Parler de parentalité c’est aussi parler de la paternité, qui peut prendre de multiples facettes, notamment en fonction du pays dans lequel on vit, et duquel on vient. Du père pourvoyeur de fonds et représentant de l’autorité au « papa poule » engagé dans moultes activités avec ses enfants, il existe de multiples modèles de « pères ». La place qui leur est réservée dépend des traditions, de la culture mais aussi des évolutions de la société. 

En France, Boris Cyrulnic, qui a présidé la commission d’experts à l’origine du rapport sur « Les 1000 premiers jours » de l’enfant explique que la fonction des pères est en reconstruction dans une nouvelle conception de la parentalité.

Quelques podcasts m’ont éclairées sur le sujet : 

A la recherche des nouveaux pères – Les couilles sur la table

Etre beau-père avant d’être père – La matrescence

Mettre la paternité au cœur de la parentalité, Benjamin Muller – La matrescence

Céline Lazorthes, à l’origine du Parental act – La matrescence 

L’allaitement 

J’ai découvert de nombreuses histoires d’allaitement à travers l’histoire de la marque Tajine Banane et de sa fondatrice, Alison, qui se raconte dans ces deux podcasts :

Milk power – Bliss story

L’allaitement ou le parcours du combattant pour Alison, fondatrice de Tajine Banane – La matrescence

Le compte Instagram de la marque contribue à véhiculer une image de mères allaitantes libres et branchées que l’on a encore trop peu l’habitude de voir dans la vie de tous les jours. 

https://www.instagram.com/p/CF9QPaCFiQP/?utm_source=ig_web_copy_link

J’ai également déniché un compte Instagram nommé Allaitons timoun qui parle d’allaitement, de parentalité et de lien mère-enfant grâce à sa créatrice, Tiffany, puéricultrice en PMI en Guyane.  

Les questions raciales expliquées aux enfants, aux parents et aux autres…

J’ai commencé à me questionner sur la question des représentations raciales expliquées aux enfants à travers l’autrice de livre pour enfants, Laura Nsafou, qui témoigne dans le podcast Miroir Miroir ou encore dans Kiffe ta race. Elle martèle l’importance de raconter aux enfants des histoires et des personnages qui leur ressemblent, dans une société de plus en plus métissée qui, pourtant, présente peu de héros/héroines d’histoires non blancs/ches.

J’ai ensuite découverte l’association Diveka, une mine de ressources de littérature jeunesse qui fait la part belle à la diversité. 

Aussi, le podcast Les enfants du bruit et de l’odeur met l’accent sur les expériences des enfants et parents racisés au sein de l’école de la république. Il parle du racisme (parfois systémique), des stéréotypes et invite des professionnels à poser des mots sur ces histoires vécues. 

Enfin, pour sortir d’une vision franco-française de la maternité, Les maters est une plateforme collaborative qui donne la parole à des femmes vivants sur le continent africain ou issues de la diaspora. 

et aussi…

La maison des maternelles et des parents : une mine de ressources vidéos 

Les comptes Instagram Garde tes conseils et Maman sa mère : paroles et dessins de mères qui refusent d’être enfermées dans les clichés sur la maternité

Le podcast Histoires de prénoms : De jolies histoires de prénoms

7 milliards de voisins, des contes à écouter : parceque les enfants aussi ont droit aux podcasts 

Le film Pour Sama de Waad Al-Khatead qui décrit les réalités d’une mère en devenir dans une Syrie en Guerre : mon coup de cœur cinématographique de cette année


Mes podcasts du confinement : yoga, introspection et rêves de progrès social

Ce printemps a été pour beaucoup d’entre nous confiné, et il est venu chambouler nos vies, questionner nos propres sentiments, comme notre vision du monde de demain. Difficile de mettre des mots sur les émotions contradictoires qui nous traversent tour à tour ou de prendre du recul sur cet avenir incertain que l’on nous annonce comme un étendard. J’ai tout de même déniché quelques podcasts du confinement pour essayer d’y voir plus clair…

Ici, le soleil printanier se glisse doucement à travers les vitres de mon appartement parisien, et le bruit de la rue se fait plus sourd. Les journées sont rythmées par le télétravail, les skypes avec les collègues, les informations, les coups de fil à la famille, la lecture, la cuisine, les cours de yoga en ligne et bien sur les podcasts (et un peu de séries sur Netflix aussi…). 

Voici pour vous une petite sélection garantie non anxiogène et remplie de bienveillance pour occuper vos journées (parfois longues) en vous accordant un moment de pause. 

Émotions confinées : comment le déni s’est emparé de nous avec Cynthia Fleury

Cela fait longtemps que je veux vous parler du podcast « Emotions » de Louie Média. Il est devenu ma boussole, dans l’océan de sentiments qui me submergent et s’entremêlent durant cette période de crise sanitaire (déni, tristesse, angoisse, colère…). Comment les décrypter ? Comment les gérer ? Comment mettre des mots sur ce que je ressens ? D’où viennent ces émotions ?

Cyrielle Bedu vient répondre à ces questions grâce à des témoignages d’experts mais aussi de gens comme vous et moi qui racontent leurs vécus et qui nous aident à comprendre ce que l’on vit. 

Durant la période de confinement, Louie Média a réadapté son podcast et lancé « Emotions confinées », une série qui décortique les émotions qui nous traversent. L’une des premières que nous avons ressentie est sans doute le déni : on a tous eu dans notre entourage, ou réagit nous-même au début de la crise avec un certain déni quant-à la gravité de la situation : le fameux « ça n’est qu’une petite grippe ! » Comme s’il nous fallait passer par ce mantra pour comprendre que « cette petite grippe » allait finalement profondément changer nos modes de vie, nos habitudes et nos relations sociales à court et moyen terme. 

« Emotions » s’est penché sur le déni grâce à la psychanalyste et philosophe Cynthia Fleury qui le décrit comme un mécanisme défensif face à une « réalité insupportable que l’on fait disparaitre » et qui l’explique par « le fait de refuser de subordonner un comportement individuel à un comportement collectif ». Elle pose ainsi une analyse experte, avec un regard empreint de psychanalyse freudienne et des mots simples, qui nous aide à prendre du recul pour aller vers un peu plus de sérénité. 

A bientôt de te revoir : re-revoir Benoit Hamon 

Cet épisode a été mon moment de fraicheur du confinement : c’est la première fois que j’écoutais « A bientôt de te revoir » ! Je dois vous avouer que son invité de marque, rock star incomprise de la politique française, j’ai nommé, Benoït Hamon, m’a permis de sauter le pas. Le ton de la conversation entre Sophie-Marie Larrouy et son invité est totalement décalé ; et, ça fait un bien fou dans cette période anxiogène, d’entendre parler Benoit Hamon de l’école à la maison, de vin, de yoga dans son jardin ou encore de cuisine tout en distillant ses raisonnements et sa vision politique et en esquissant la vision d’un « monde d’après » qui pourrait être un peu moins sombre et surtout plus solidaire et inclusif. J’ai noté pour vous quelques-unes de ses punchlines :

« D’un mal il peut y avoir un bien » 

« Il faut que l’intelligence et la science se reconnectent avec le vrai progrès, la bonne santé, la coopération, le vivre ensemble »,

 « A cause du confinement tu vas avoir des secteurs entiers de l’économie, dans des villes entières, qui vont être sans boulot, ça va peut-être nous ramener à réfléchir à la question du travail, de l’emploi et au revenu universel »

«  Cette crise du coronavirus arrive dans un moment où le pays était déjà malade … d’être inégalitaire, du réchauffement climatique, de l’extinction de la biodiversité … et la question est : est-ce qu’on va réussir à trouver le bon antidote ? »

Benoît Hamon, A bientôt de te revoir.

Alors, finalement, si le monde d’après passait par les idées de Benoit Hamon ? Permettez-moi d’en rêver…

La poudre : Julia Cagé

J’ai découvert Julia Cagé sur Twitter, juste après la sortie de son livre « Sauver les médias » et quelques temps avant qu’elle ne devienne la conseillère économique de Benoît Hamon lors de la campagne présidentielle de 2017. J’ai été séduite par ses prises de position engagées, résolument à gauche, et ses explications pédagogiques des mécanismes économiques contemporains. Elle me rappelle mes professeur.e.s d’Université, qui avaient su m’emporter sur la voie d’une économie plus sociale et  plus solidaire grâce à leurs démonstrations brillantes sur la valeur travail, le don et le contre don ou encore les effets collatéraux des programmes d’ajustements structurelles du FMI dans les pays « du Sud ».

Julia Cagé était donc l’invité de Lauren Bastide dans une série de son podcast « La poudre » intitulée #ellespensentlapres, en réponse à la une du parisien « Ils racontent le monde d’après » mettant en scène des hommes blancs d’un certain âge ayant fait polémique pour son absence de diversité.

Julia Cagé nous parle du sexisme dont elle a été victime durant la campagne de Benoît Hamon ; de l’avantage qu’auraient les états à faire appels massivement à la dette publique pour relancer les économies, dans un contexte où les taux d’intérêt sont bas ; de la nécessité de repenser la démocratie selon la devise « une personne-une voix » qui est aussi l’un des principes fondateurs de l’économie sociale et solidaire. Elle nous livre à son tour une analyse réaliste mais teintée d’espoirs pour des lendemains plus égalitaires dont on a vraiment besoin en ce moment. 

Travail (en cours) : Faut-il faire le deuil de son travail idéal ?

Comment survivre avec des collègues un peu lourds ? Le short ça passe au bureau pour les hommes au bureau en été ? Quel est la place du travail, lui-même dans nos vies ? Est-ce que notre job nous rend heureux ? Est-ce qu’on ne serait pas plus heureux en faisant le deuil de notre travail idéal ? C’est peut-être les innombrables débats que vous avez pu avoir avec vos amis à propos de vos jobs respectifs, mais aussi quelques-unes des questions auxquelles tente de répondre le nouveau podcast de Louie Média : travail (en cours)

Dans ce contexte de confinement, que l’on télétravail ou non, on s’est à peu près tous posé la question de la place, parfois redéfinit de notre travail, dans notre vie (réajustée). Suis-je utile dans mon travail ? A-t-il du sens ? Alors que pour nos parents, un bon travail est surtout un travail où l’on ne bosse pas trop et où on est bien payé, pour notre génération, la question est beaucoup plus complexe. Nous projetons dans le travail tout un tas d’idéaux comme celui de nous épanouir, de nous permettre de développer nos capacités, d’apprendre, d’être stimulés… Mais en fait, si ces idéaux étaient inatteignables ? Si en faire le deuil nous permettait d’être plus heureux au travail ?

A travers le témoignage de Clémence Bodoc, la journaliste Judith Chetrit tire les leçons d’un parcours semé d’embuches et de ces questionnements. Clémence est une jeune femme qui a eu un job a responsabilité dans le BTP dès sa sortie de Sciences-Po puis s’est réorientée en tant que rédactrice en chef d’un magazine féminin en ligne, après un burn-out. Elle était beaucoup moins bien rémunérée mais trouvait du sens à ce qu’elle faisait, s’entendait bien avec ses collègues…, bref, elle croyait qu’elle avait trouvé son travail idéal mais les choses se sont un peu compliquées. Aujourd’hui, elle a tiré les leçons de ces évènements et les partage avec nous pour nous aider dans notre propre introspection. 

La matrescence : Céline Lazorthes à l’origine du Parental Act

La matrescence est un terme issu de la contraction des mots « maternité » et « adolescence ». Il traduit la profonde transformation que vivent les femmes en devenant mères. Ce podcast, créé par Clémentine Sarlat, parcourt la vie des parents ou futurs parents pour leur donner des des clés grâce à des interviews de professionnels & des témoignages de parents.


L’épisode qui m’a marqué dernièrement évoquait l’épineuse question du congé paternité (ou congé deuxième parent) à la naissance d’un enfant qui permettrait, s’il était allongé, d’être un puissant outil pour favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est ce que nous a démontré son invité, Céline Lazorthes, entrepreneuse qui a créé en 2009 la plateforme en ligne de cagnottes Leetchi et qui est devenue maman depuis. Elle nous explique comment, elle a fait le choix de prendre les distances avec sa société car les exigences envers les femmes en entreprises leur demandent des sacrifices dans cette nouvelle vie pleine d’ajustements. Elle a aussi fondé le « Parental act » pour lequel de grandes entreprises se sont engagées pour l’allongement de ce congé 2eparent.

Cet épisode, profondément politique, nous aide à prendre conscience des inégalités qui découlent de la durée inégale du congés maternité/paternité : si tous les parents avaient droit à une durée égale de congé à la naissance de leur enfant, il y aurait moins de discrimination à l’embauche des femmes en âge d’avoir des enfants, de moindre évolution professionnelle ou encore d’inégalités salariales… Il nous fait aussi réfléchir sur le rôle de précurseur que peuvent avoir des entreprises privées sur une mesure qui devrait être généralisée et organisée au plus haut niveau de l’Etat. 


Mes podcasts de l’automne

Des voyages en train qui m’ont amenée bien plus loin…

« Tarab » : Danse orientale, invention occidentale

J’ai commencé la danse orientale à Marseille et lorsque je suis partie vivre en Egypte quelques mois, j’avais en tête les Samia Gamal, Tahia Carioca ou encore Fifi Abdou, ces célèbres danseuses égyptiennes pleines de sensualité et de charisme. Pourtant, lorsque j’ai réussi à trouver des cours de danse orientale, il s’est avéré que ma professeure était… française.

Une anecdote qui illustre bien la démonstration majestueuse et approfondie de ce podcast, Tarabqui tend à nous montrer que les danses orientales vont bien au-delà de la seule danse classique orientale égyptienne qui s’est, en fait, beaucoup construite à travers les représentations occidentales et l’orientalisme.

Le podcast nous plonge avec pédagogie dans l’univers foisonnant et mélodieux de ces danses et des magnifiques musiques qui les accompagnent, dans des codes sociaux beaucoup plus précis qu’ils n’y paraissent (il existe des danses pour les mariages, les baptêmes et tous les événements importants). Il nous fait également découvrir milles et une danses arabo-berbères :  aalaoui, dabke, fazzani… grâce à Mariem Guellouz, maître de conférences en sciences du langage à l’université Paris-Descartes et directrice des journées chorégraphiques de Carthage en Tunisie et à Raïssa Leï, directrice artistique de la troupe Kif Kif Bledi.

Tarab est un podcast de Binge Audio animé par Leïla Izrar, soutenu par l’Institut du Monde Arabe. Il interroge la perception des cultures arabes en France, et les multiples parts d’arabité dans la culture française. 

« Les couilles sur la table » : Les gars du coin

J’ai grandi dans un de ces « coins paumés » décrits par le sociologue, Benoît Coquard, dans le podcast Les couilles sur la table, qui interroge les masculinités en milieu rural. Quand j’en suis partie pour aller poursuivre mes études « en ville », j’ai très vite compris que les sociabilités, les représentations, les « gens cool » n’y étaient pas les mêmes qu’à la campagne. Je me suis très vite distanciée aussi, de cette campagne où je ne me retrouvais pas, où les jeunes de mon âge n’avaient pas les mêmes préoccupations, pas les mêmes rêves, ni les mêmes horizons.

Habitant désormais Paris, je perçois une forme de mépris parisien à l’encontre de ces campagnes perçues comme des viviers de fascistes et d’homophobes, d’alcooliques et de consanguins. Si cette réalité n’est qu’une réalité partielle et tronquée, on entrevoit un soupçon de mépris de classe dans ces formes de représentations ; une classe bourgeoise parisienne qui jetterait un regard condescendant sur une classe populaire provinciale. Les choses sont pourtant plus complexes qu’elles n’y paraissent.

Benoît Coquard a passé trois ans avec « la bande à Boris », une trentaine de jeunes hommes et amis, à étudier la masculinité rurale populaire dans l’est de la France. Au-delà des clichés, ces jeunes hommes portent des valeurs fortes de solidarité, de famille, ils entretiennent des modes de vie sains, en opposition parfois à une représentation paternelle dépendante à l’alcool ; représentation dont ils s’affranchissent totalement au moment où eux-mêmes deviennent pères et sont valorisés dans ce nouveau rôle social, dans leur « bande ».

Le sociologue a voulu redorer le blason de cette jeunesse avec qui il a grandi et dont il s’est peu à peu éloigné idéologiquement au moment même où il s’en éloignait géographiquement. Il déconstruit les représentations sur cette jeunesse rurale et populaire et interroge les rapports de genre qui se jouent en son sein. Son analyse sociologique m’a rappelé comment notre identité et nos sociabilités peuvent-être construites par les milieux dans lesquels nous évoluons, même après l’âge adulte. Elle m’a touché, en tant que jeune femme, désormais parisienne, issue de cette ruralité plutôt populaire qui, même si elle ne correspondait pas à ma vision du monde, m’a en partie construite. 

Les couilles sur la table est un podcast de Binge Audio animé par Victoire Tuaillon qui interroge les masculinités contemporaines avec l’idée que l’on ne naît pas homme mais qu’on le devient. 

« Kiffe ta race » : Les couleurs des sentiments

Dans l’imaginaire collectif, un couple mixte est un couple dont l’une des personnes est noire, arabe ou asiatique et l’autre blanche. Pourtant, il existe de multiples configurations de couples que l’on pourrait dire mixtes sans que cela ne se voit par la couleur de leur peau. Un congolais en couple avec une camerounaise, une coréenne en couple avec un chinois, une française d’origine sénégalaise en couple avec un sénégalais, une algérienne en couple avec un marocain… tous ces couples devront traverser des questionnements identitaires, culturels, parfois religieux inhérent à la mixité de leur couple.

Pourtant, ils seront peut-être moins confrontés, dans leur vie de tous les jours aux regards des autres sur leur vie intime. Cela ne veut pas dire que celle-ci ne sera pas questionnée par leur entourage ; le choix de son-sa partenaire de vie est ainsi orienté, consciemment ou inconsciemment par les proches ou par un background culturels/religieux. Qu’est-ce que cela implique d’être en couple dit « racialement mixte » ou non mixte (la race étant entendu ici comme une construction sociale) ? Qu’est-ce que le « black love » ou les « power couples » ? Que nous disent-ils en termes de représentations ? Ce sont quelques-unes des questions posées par Rokhaya Diallo et Grace Ly dans cet épisode de Kiffe ta race

Ce podcast m’a interrogée, interloquée, remise en question, sans savoir vraiment si j’étais d’accord avec tout, notamment dans l’idée que le choix d’un-e conjoint-e soit aussi réfléchi voir calculé (en oubliant un peu l’amour…). Mais j’ai particulièrement apprécié l’éclairage de Fatima Aït Bounoua qui déconstruit le couple mixte, ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. Elle revient sur la question de fétichisation des corps des femmes, notamment arabes et nous explique, par son histoire personnelle, qu’un couple valide/ invalide, c’est-à-dire une personne handicapée en couple avec une personne valide, peut-être confronté aux mêmes stéréotypes qu’une couple dit « racialement mixte ». J’ai aussi apprécié l’honnêteté intellectuelle et la franchise des protagonistes sur des questions qui demeurent trop souvent taboues en France.

Kiffe ta race est un podcast de Binge audio qui saute à pieds joints dans les questions raciales, sans tabou. Rokhaya Diallo et Grace Ly y parlent, autour d’un-e invité-e, d’arabes, d’asiatiques, de blancs, de roms, de noir-es, et tout ça sans aucun complexe.  

« Dieu.e » : Attika Trabelsi

Au moment où la haine de l’islamophobie envahie le petit écran et les discours politico-médiatiques, j’ai découvert le parcours la jeune militante musulmane Atika Trabelsi, en écoutant le podcast Dieu.e. Atika Trabelsi est co-fondatrice de l’association Lallab, une association/ laboratoire d’idée, dont le but est de faire entendre les voix plurielles des femmes musulmanes et de lutter contre les discriminations racistes et sexistes auxquelles elles font face en France. Elle a construit son parcours militant, bercée par l’éducation populaire et l’entrepreneuriat social. Elle évoque les questions d’intersectionnalité, de féminisme, d’antiracisme. Elle évoque également son rapport à la foi « beaucoup plus personnel et moins collectif, […] beaucoup moins rituel et beaucoup plus spirituel » qu’avant, car elle a appris le questionner par un travail spirituel de connaissance d’elle-même.

Attika revient sur la difficulté, aujourd’hui, pour les femmes musulmanes voilées de trouver un travail, d’accompagner leurs enfants en sortie scolaire sans avoir à se justifier, d’être entendues dans le domaine de la santé (le syndrome méditerranéen est une pratique qui consiste à croire en un comportement d’exagération des symptômes de la part d’un patient et ce, du fait de ses origines et de sa culture)… 

La nécessaire prise en compte des réalités de chacun-e est le fil conducteur de son discours qui m’a touché par un universalisme qui n’exclut personne : reconnaitre les différentes réalités vécues tout en prônant une convergence des luttes des femmes féministes & religieuses, quelques soit leur confession, parler de l’utilité de la non-mixité dans certains espaces militants tout en prêtant attention à ne pas renforcer l’image de machistes qui colle à la peau des hommes musulmans. Son initiative, Power our stories a mis en lumière 30 femmes musulmanes du monde entier ayant contribué au rayonnement de l’islam dans l’histoire et m’a rappelé mes lectures captivantes des histoires de Khadija, l’épouse du prophète Muhammad et Fatima, qui fut sa fille. 

Dieu.e est le premier podcast francophone sur les féminismes religieux, habité par les contributions de théologiennes, d’activistes, de responsables de communautés ou simplement de croyantes. Il est réalisé par Alice Peyrol-Viale et Sinatou Saka.

Dalida et moi, une mélancolie arabe

Cette série de podcasts produite par Arte radio est l’histoire d’une rencontre avec une icône, une diva blonde reine du disco dans les années 70 et aujourd’hui un peu démodée. Dalida s’est invitée dans la vie de la journaliste Léa Veinstein suite à une série de signes annonciateurs. Elle l’a emporté puis nous a emporté dans son univers empreint de sensibilité et de questionnements philosophiques sur fond des plus belles mélodies de la diva égyptienne.

La mélancolie de Dalida viendrait de ses origines arabes, de la douleur de l’exil ; elle a poussé la jeune journaliste à chercher à mieux la connaitre et l’a envahie à son tour en écoutant ses chansons et…moi aussi. Je me suis reconnue dans la sensibilité de Léa, dans ses angoisses et ses larmes un peu trop faciles et dans son admiration pour Dalida, cette femme sulfureuse pourtant si loin de nous avec ses longs cheveux blonds, ses robes à paillettes et ses multiples amants, mais pourtant si touchante.

Aujourd’hui, Dalida est devenue une icône queer (une personne se dit queer quand elle ne se reconnaît pas dans la sexualité hétérosexuelle, ou ne se sent pas appartenir à un genre défini) sans jamais l’avoir su, alors qu’elle faisait tout pour masquer son strabisme et ses traits carrés et était d’une féminité extrême. C’est sans doute aussi cette beauté imparfaite et incarnée qui pousse à l’admiration et m’avait moi-même poussée, bien avant d’être parisienne, à aller admirer la statut grandeur nature qui trône sur sa tombe, dans le cimetière de Montmartre.

L’admiration est quelque chose qui ne s’explique pas, allant au-delà de toute logique mais qui peut trouver son origine dans des raisons enfouies au fond de nous-même. Ce sont ces raisons que Léa est allée chercher en nous embarquant avec elle dans son introspection, pour un fabuleux voyage sonore. 


Bookclub : histoire d’une guerrière à cœur ouvert…

Cette histoire, c’est l’histoire de la jeune autrice franco-camerounaise Marie-Alix De Putter, qui se définit elle-même comme un être humain imparfait qui aime raconter des histoires et utiliser sa voix pour inspirer les autres à en faire de même.  Son premier livre, très personnel, « Aime, ma fille, aime ! » est sorti début septembre. A lire absolument…

J’ai rencontré Marie-Alix dans une soirée chez une amie commune. Pour être plus précise, j’ai rencontré Marie-Alix, lors d’une soirée où j’avais réussi à m’extirper de mon cocon douillet pour aller chez une amie, dans une banlieue parisienne chic, mais, qu’on se le dise, un peu lointaine… Je n’avais pas encore lu son livre, mais j’en avais entendu parler dans les « recommandations culturelles » de Lauren Bastide, la prêtresse du féminisme dans le podcast « La poudre ». Nous avons donc échangé, autour de cakes au saumon délicieux, sur son parcours, sa fille, nos points communs, la vie… La conversation fut fort agréable et j’ai eu envie de la prolonger ici, après avoir lu son livre qui m’a beaucoup touché.

Le livre… « Aime, ma fille, aime ! »

Ce livre parle avant tout d’amour : son grand Amour d’abord, Eric, jeune théologien français parti en mission au Cameroun pour enseigner, puis assassiné dans des conditions qui demeurent mystérieuses, encore aujourd’hui ; l’amour pour leur fille ensuite, à qui ce livre est dédié et transmet une leçon de vie. Cette vie pour laquelle elle s’est battue lorsque tout s’écroulait autour d’elle, grâce à ce petit être qui grandissait en elle.

Mais le livre parle aussi des réalités de ceux qui subissent les discriminations raciales dans leur quotidien, ici ou ailleurs, des idées reçues qui sont renvoyées sur les couples mixtes, comme si leur amour ne pouvait être vrai et sincère. Il parle des « cases » dans lesquelles beaucoup essaient de nous (vous ?) conformer, des injustices dans un système camerounais empêtré dans la corruption et le népotisme, de violences gynécologiques et d’inégalité d’accès aux soins, d’embuscades administratives… Il parle enfin de femmes guerrières, de métissage, de transmission et de résilience.   

Mais laissons Marie-Alix nous en dire plus…

L’autrice… Marie-Alix à cœur ouvert

Crédit photo : Karine S. Bouvatier

La première question que l’on a envie de te poser est comment vas-tu aujourd’hui ? Et comment va Rachel ?

Je vais bien et Rachel va TRÈS bien ! Bien sûr, il y a des jours et périodes plus difficiles que d’autres, comme pour tout le monde, mais j’accueille chaque jour avec beaucoup de gratitude et de joie.

Comment t’es venue l’idée de raconter votre histoire ?

C’est pour Rachel, notre fille, que j’ai commencé à l’écrire. À bientôt sept ans, elle me pose beaucoup de questions sur son papa. J’ai souhaité qu’elle puisse disposer de ce témoignage sur l’histoire d’amour qui a uni ses deux parents. Je veux lui dire, ainsi qu’à toutes les personnes touchées par des épisodes difficiles, qu’une vie est possible après un drame.

Comment s’est passé le processus d’écriture ? Et plus tard, la mise en lumière de cette histoire, très personnelle et intime, aux yeux du monde ?

J’ai eu l’idée d’écrire à partir de 2016. Mais c’est l’année suivante, en 2017, que j’ai vraiment commencé la rédaction qui s’est achevée un an plus tard.  J’ai ensuite mis un an avant de trouver un éditeur… Un vrai parcours de résilience (rires !).  L’écriture de ce livre a été longue et parfois douloureuse, et il a fallu donc prendre du temps. Le ton personnel tient aussi au fait que c’est une question d’authenticité, de sincérité : le/la lecteur/rice ne peut pas comprendre ce que représente la perte d’Éric pour moi s’il ignore qui je suis. J’ai donc voulu me présenter avec mes vulnérabilités et mes faiblesses, sans masque.

Si tu devais qualifier ton livre en un seul mot, lequel choisirais-tu ?

A.M.O.U.R  🙂

Quel message souhaiterais-tu faire passer à toutes les filles (et femmes) qui nous liront ?

J’observe en toutes les femmes fortes autour de moi qui ont une capacité à s’aimer vraiment – aimer les autres, aimer la vie -, à avoir confiance en elles et à exprimer leurs convictions/envies/besoins, à persévérer face à l’adversité, à embrasser leurs vulnérabilités, à se soutenir… Chacune d’entre nous dispose d’un don, d’un talent unique trop souvent bridé, d’une voix que la société veut parfois étouffer. Et, je ne cesse de le dire à Rachel et aux jeunes femmes que j’accompagne : « Tu as de la valeur, tu es née libre, tu es née forte, alors n’oublie pas de le rester !

Tu as de la valeur, tu es née libre, tu es née forte, alors n’oublie pas de le rester !

Marie-Alix De Putter

Quels sont tes prochains projets (dont tu voudrais nous parler)?

Les échanges nés grâce à « Aime, ma fille, aime ! » avec les personnes qui ont lu le livre et/ou qui viennent me rencontrer pendant les soirées dédicaces sont incroyables. Cela me conforte dans l’idée que les histoires ont un pouvoir, celui de nous rappeler notre humanité partagée.

Ainsi, je serai reconnaissante de pouvoir continuer à raconter des histoires et à utiliser ma voix  afin d’inspirer d’autres à en faire de même !

Mille mercis !


Mes podcasts de l’été : quand fitness et intellect font bon ménage

C’est la rentrée et vous avez le moral dans les chaussettes ? J’ai la solution pour vous : une sélection de mes meilleurs podcasts de l’été. Ils feront de vos trajets sur le chemin du boulot (ou de l’école) des aventures palpitantes à la découverte de personnages hauts en couleur. De mon côté, c’est à la salle de sport que je plonge dans cet océan de savoir et d’histoires infinies…

Je me suis inscrite récemment à la salle de sport et je n’aime pas ça. Le culte du corps et de la performance, ce n’est pas trop mon truc. Mais à Paris, il est difficile de trouver de jolis coins près de chez soi pour aller courir, comme la corniche à Dakar ou le parc de font-obscure à Marseille qui furent les théâtres de mes plus brèves grandes performances sportives. Alors, pour rendre ces moments un peu moins pénibles et prendre soin de ma santé tout en me cultivant, j’écoute des podcasts sur mon vélo elliptique. Pour que vous aussi, vous ayez l’opportunité de découvrir des sujets passionnants dans la cuisine, dans le métro, à pied ou à vélo, j’ai décidé de partager ici ma sélection de podcasts préférés de l’été. Ils brossent le portrait de personnages sans concessions et politiquement incorrects, dans une sélection totalement subjective et orientée idéologiquement.

Ma fille sous influence – saison 2 : « De l’autre côté du miroir »

Montrer une facette humaine, parfois dure mais toujours juste de jeunes femmes qui ont été inculpées pour terrorismes sous l’influence de la propagande de l’Etat Islamique qu’elles racontent, tel est le pari risqué mais réussi d’Edith Bouvier et Céline Martelet dans la deuxième saison du podcast « Ma fille sous influence » sur France Culture. Un énième sujet sur les femmes djihadistes vous direz-vous, combinant clichés islamophobes, sexistes et polémistes pour vendre et effrayer l’opinion publique ? Perdu ! L’excellente série de 4 épisodes est loin d’être cela. Elle dresse plutôt des portraits sans demi-teinte, de ces jeunes femmes parfois touchantes, parfois cruelles, mais toutes entières, qui partagent avec les auditeurs leur parcours de djihadistes en repentir. C’est la question du pardon et de la rédemption qui traverse cette série de témoignages. Quelle place, quelle chance laisse-t-on à des femmes qui ont été condamnées pour l’un des plus hauts crimes dans l’échelle des juridictions françaises : le terrorisme ? Les histoires de ces jeunes femmes m’ont interrogée sur ma perception du bien et du mal, du juste et de l’injuste, sans jamais pouvoir trancher. Elles m’ont rappelée mes cours de sociologie sur le parcours de Khaled Kelkal, que le journal Le monde surnomme le « premier djihadiste made in France ».

Ces histoires m’ont rappelée que nous ne devons cesser d’interroger les destins individuels, qu’ils soient heureux ou macabres, pour comprendre notre Histoire commune.  Elles posent la question de l’inné et de l’acquis dans les parcours de vie. Envisager que l’on ne naît pas terroriste mais qu’on le devient est le choix le plus difficile, car cette perspective renvoie aux responsabilités collectives qui peuvent faire basculer des vies : celles de l’école, des parents, des réseaux sociaux, des mauvaises fréquentations… Plus globalement, cela nous renvoie aux questions des perspectives de vie offertes à ces jeunes femmes, à l’égalité des chances, à l’espoir, à la croyance ou non croyance, à la foi.

Spla$h: « Pourquoi Marseille s’effondre-t-il ? » 

Dans cet édition estivale de Spla$h, Étienne Tabbagh, marseillais d’adoption, part de l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne le 5 novembre 2018 et déroule le fil de l’histoire de Marseille, de son port et de ses quartiers populaires. Il pose un regard pédagogique sur le phénomène de gentrification de la ville, souhaité par la mairie depuis deux décennies mais qui n’a jamais complètement réussi son pari d’attirer les riches au centre-ville. On y entend battre le cœur du Marseille populaire, à travers les voix des habitants de la rue d’Aubagne, propriétaires véreux, acteurs associatifs, politiques, urbanistes ou encore sociologues qui posent leurs analyses et nous éclairent sur la dégradation progressive de ces quartiers et de leurs immeubles aux murs fissurés et aux façades parfois vacillantes. Le Marseille que j’aime, celui du marché de Noailles, de La Rose de Tunis et du Kaloum, est dépeint ici à travers l’histoire du mal-logement et des spéculations immobilières orchestrées politiquement au dépend de ceux (commerçants ou habitants) qui font ces quartiers de la ville, son âme et qui la rende si passionnante.

Miroir miroir : « Grossesse, l’anti-mode d’emploi » & Un podcast à soi : « l’horloge biologique on t’a pas sonné ! »

La pression sur les femmes en âge de procréer est grande. La pression sur les femmes enceintes est grande. La pression…sur les femmes est grande. Du désir ou non-désir d’enfant à sa concrétisation, ces deux podcasts posent, chacun à leur manière, les questionnements et la pression sociale auxquelles sont confrontées les femmes face à la maternité. Qu’est-ce que les femmes qui ne veulent pas d’enfant ressentent face à cette injonction sociale ? Et celles qui ne peuvent pas en avoir ? Quant à celles qui sont enceintes, quelles pressions vivent-elle de la part de leur entourage, des passants, du boulanger ? Ce sont toutes ces questions que ces deux podcasts abordent en nous ouvrant l’esprit sur les différents possibles en tant que femmes et sur la manière d’habiter son corps.

Dans « Miroir miroir », Jennifer Padjemi pose un regard bienveillant sur nos corps, aussi divers soient-ils et l’image qu’on nous en renvoie chaque jour. Elle nous invite à poser nos propres limites face aux injonctions collectives et à réfléchir à nos identités au-delà du regard des autres et des avis inquisiteurs, particulièrement nombreux sur les questions de maternité.

Dans « Un podcast à soi », Charlotte Bienaimé déconstruit les questions de genre et raconte le vécu de femmes sans enfants et ce que cela raconte en termes de rôles sociaux, de transmission, de désir ou de frustration. Elle nous conduit à revoir nos propres schémas de pensés, modelés par une prédominance patriarcale millénaire.

Les pieds sur terre : L’imam gay

C’est l’histoire incroyable de Ludovic Mohamed Zahed, le premier imam homosexuel de France. C’est l’histoire de son acceptation progressive par lui-même puis par ses proches. Cette histoire nous est racontée avec finesse par Sonia Kronlund dans l’émission « Les pieds sur terre » de France Culture.

A travers le parcours du jeune homme, ce podcast nous fait voyager des portes du salafisme en Algérie à son projet de fonder une famille et ouvrir une mosquée inclusive en Afrique du Sud avec son mari, en passant par son coming-out d’adolescent en France. Ludovic a réussi le pari quasi-impossible de concilier son homosexualité avec sa religion, l’islam, et de gagner le soutien de ses parents dans ses choix et projets de vie, par son humanité et sa résilience. J’ai été touchée par cette famille, celle de Ludovic qui explique l’acceptation de sa différence, dans toute sa douleur et grâce à sa foi en l’islam.

Im/patiente 

Ce dernier podcast est mon ultime favori. Il m’a incroyablement touchée, questionnée, remise en question, bouleversée mais il m’a aussi ouverte à de nouvelles perspectives de pensées. Je l’ai pourtant découvert de la pire des manières, à l’annonce du décès de son héroïne – le mot est faible, vous le comprendrez en l’écoutant, Maëlle Sigonneau, sur les réseaux sociaux et dans cet article de Télérama qui lui rend un bel hommage. Elle s’est battue pendant trois ans contre un cancer du sein incurable : ceux que l’on ne veut pas voir, car ils nous renvoient à nos pires angoisses. Ce podcast me fait penser à l’image du citron amer qui est donnée au dans le premier épisode de la série « This is us » :

« Parfois , […] la vie se résume à prendre les citrons les plus amers et à en faire quelque chose qui ressemble à de la limonade. »

C’est un peu ce qu’à fait Maëlle en se lançant dans l’incroyable aventure du podcast Im/patiente. Ce cheminement et la rencontre avec Mounia El Kotni, anthropologue et co-créatrice du podcast, sont racontés dans le premier épisode. Toutes deux questionnent, au fil des épisodes, dans une complicité touchante, les sujets que soulève le cancer du sein dans notre société : le rapport au corps, la féminité, les relations amoureuses, la relation soignant-soigné, les violences oncologiques, l’annonce de la maladie, la difficile prise en compte de l’humain dans le milieu médical…

Ces deux femmes incroyables nous emportent avec elles dans leurs remises en question de la féminité, de la bien-portance à la bien-pensance, dans un tourbillon de fraîcheur et de bonne humeur contagieuse. Mon seul regret, terriblement égoïste, est qu’il n’y ait que 3 épisodes, dont le message gravé au fond de moi, de nous tous, restera quoi qu’il advienne.

Bonne écoute !


Sephora, l’épouse de Moïse

Certaines femmes ont joué un rôle extraordinaire dans l’histoire du monothéisme, mais on ne sait presque rien d’elles. Il en est ainsi pour Sephora (Tsippora), l’héroïne du deuxième volet de la trilogie « La Bible au féminin ». Elle était la femme du prophète Moïse, elle était noire, elle était belle. Elle l’a poussé à aller libérer son peuple du joug du Pharaon et le guider vers Canaan, le pays « de lait et de miel ». 

« Je suis noire et belle, fille de Jérusalem. Comme les tentes de Quédar, comme les tentures de Salomon. Ne me voyez pas si noire, celui qui m’a basané c’est le soleil.» Le Cantique des cantiques. 1, 5-6

En commençant son livre par ce verset controversé du Cantiques des cantiques, l’auteur de « Tsippora »,  entend rétablir la véritable histoire de Sephora. Représentée comme une femme blanche à la Chapelle Sixtine, elle était pourtant une fille du pays de Kouche, que l’on situe vers le Soudan et la Nubie (sud de l’Egypte) et elle avait la peau d’ébène.

La jeunesse de Moïse (détail : Les filles de Jéthro), fresque de la chapelle Sixtine, réalisée par Sandro Botticelli (1481-82). Wikipédia.

Il est important de préciser cela, tant sa couleur de peau a joué un rôle dans l’accomplissement de son destin de femme. Recueillie par Jethro alors qu’elle n’était qu’une enfant, Sephora deviendra sa fille préférée. Pourtant, seul Moïse, l’étranger, verra sa véritable beauté, lors de sa fuite au pays de Madiân pour échapper aux hommes de Pharaon.

Cet homme aux allures de princes intrigue dans le pays de Jethro, qui le prend en affection et l’accepte comme gendre. Pourtant, alors qu’ils mènent une vie paisible dans la cour de Jethro, et qu’elle a déjà eu deux enfants de lui, Gershom et Eliezer, Sephora refuse de l’épouser avant qu’il ne prenne le chemin de l’Egypte. Elle est la première à croire que lui seul peut aller délivrer les Hébreux, réduits en esclavage par  Pharaon et qu’ainsi est la volonté de Dieu.

« Je sais qui tu es ! Je t’ai vu en rêve avant même de te rencontrer. Je sais qui tu es et qui tu peux devenir. Le temps qui t’attend n’est pas dans les pâturages de Madiân. »

Hatchepsout, celle qui a recueilli Moise au milieu des roseaux, celle qui regna sur l’Egypte puis fut renversée par son mari et neveu Thoutmès le troisième, est aussi l’une des raisons qui conduisent Moïse vers les terres d’Egypte. Les rumeurs sur sa mort vont bon train et Sephora incite Moïse à aller saluer une dernière fois celle qui fut comme sa mère.

C’est ainsi que Moïse et Sephora prirent le chemin de l’Egypte, après l’épisode du buisson ardent où Dieu s’adressa a Moïse. D’après le roman, ils furent nombreux, ceux de Madiân, à les accompagner. En chemin, Sephora sauve Moïse de la colère de l’Eternel en accomplissant la circoncision de leur fils Eliezer. Cet acte représente pour les juifs la marque de l’alliance avec Dieu.

Mais les temps qui attendent Sephora en arrivant en Egypte ne l’épargnent guère du racisme et des complots au sein du peuple de Moïse, rejetée en premier lieu par Aaron et Myriam, les frères et soeurs de sang de son époux. Jethro dira d’eux que même s’ils furent physiquement libérés de l’esclavage, ils demeurèrent esclaves dans leurs esprits :

«Tsippora, mon enfant, n’oublie pas qu’ils sont perdus à eux-même car Pharaon à massacré, a coup de fouet, et sous le poids de ses briques, ce qui était leur innocence dans le coeur de Yhwh.»

C’est ainsi que Sephora fut écartée et séparée de son époux bien-aimé, pendant des années, durant les dix plaies d’Egypte et même lorsque la mer rouge s’ouvrit devant lui, exactement comme elle l’avait vu en rêve.

Sipporah (Sephora), vue par le photographe James C. Lewis, Nofi.

Ainsi Marek Halter écrit, pour signifier le rôle des femmes dans l’histoire :

« la libération d’un groupe humain passe par celle de la femme. À l’intérieur d’un groupe soumis, la femme est doublement soumise. À partir du moment où elle se libère, le groupe est obligé de revoir ses principes.» Tsippora, Jeune Afrique, janvier 2004.

Les sources historiques et religieuses divergent sur la descendance de Moïse et de Sephora de la version donnée par Marek Halter. L’auteur reconnait une part d’invention dans son roman (Cf. article Jeune Afrique) du fait du peu d’éléments existants sur la vie de Sephora dans les textes bibliques.

Mais par ces libertés, Marek Halter a su mettre en lumière un personnage oublié, et nous faire regarder d’un œil nouveau l’histoire de Moïse. En effet, s’il est un personnage éminemment important dans la Bible comme dans le Coran, peu retiendront ne serait-ce que le nom de son épouse Séphora. Il m’a paru essentiel de revenir sur son histoire, à une époque où les polémiques sur la couleur de la peau ou les origines font encore naitre des débats inutiles et stériles, des millénaires plus tard.

C’est selon moi, la force de l’œuvre de Marek Halter, de nous permettre de relire la vie de personnages religieux comme Khadija, Aïcha ou Sarah, à la lumière de nos propres réalités. Il nous plonge dans leur univers de femmes, et dépeint avec précisions les émotions qui auraient pu être les leur, forçant notre admiration devant leurs persévérances et redonnant toute leur humanité à ces héroïnes oubliées.

Marek Halter, en fervent défenseur du dialogue interreligieux, nous pousse aussi à voir les points communs dans la généalogie des trois grandes religions monothéistes : le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam. A une époque où les extrémismes de tout bord semblent gagner du terrain chaque jour un peu plus, on ne peut que saluer une telle initiative et inviter tout un chacun à se pencher sur ces histoires.  


Sarah, la femme d’Abraham

Il était une histoire à l’origine des trois religions monothéistes mais dont (presque) personne n’a entendu parler. C’est l’histoire de Sarah, celle qui est, dans la Torah, la Bible et le Coran, l’épouse d’Abraham (Ibrahim pour les musulmans), le père des croyants. Elle lui donna un fils, Isaac, alors que tout le monde la croyait stérile. Dans ce premier volet de la trilogie « La bible au féminin », Marek Halter présente une héroïne fière et passionnée qui vous embarquera avec elle au coeur de ses souffrances. 

L’enfant rebelle

L’auteur revient sur la jeunesse de Sarah, qui s’appelait alors Saraï, fille des puissants d’Ur, peuple polythéiste que l’on situe dans la Mésopotamie antique (Irak actuelle).

Le roman s’ouvre sur la frayeur de celle qui, toute jeune fille découvre le « sang des femmes » entre ses cuisses. Sa réaction est à la hauteur des épreuves qui l’attendent, puisque ce sang signifie par tradition que la jeune fille est en âge de se marier avant la prochaine lune.

En dépit de son amour immense pour son père, Ichbi Sum-Usur, elle ne peut se résoudre au destin qu’il lui a choisi, celui d’épouser un fils de puissant dont elle ne sait rien. Au cours de la cérémonie de mariage aux rituels surprenants et aux chants explicitement sexuels, l’enfant qu’elle est encore prend peur et devine qu’elle ne sera jamais heureuse aux côtés de cet homme.

Sa fuite l’emmène au-delà des portes de la ville, où elle rencontre le jeune Abram (qui deviendra Abraham). Après un retour forcé auprès des siens, elle ne cesse de penser à lui et au baiser qu’ils n’ont pu échanger. Elle fuit une seconde fois, pressentant un nouveau mariage, et dans un acte de désespoir, va trouver chez une Kassaptu (sorcière), une « herbe de sècheresse » qui la rendra stérile.

La Sainte Servante d’Ishtar

L’absence de règle justifie d’élever la jeune Saraï au rang de Sainte Servante d’Ishtar, déesse de l’amour et de la sexualité. Par cette fonction, elle devient également gardienne du temple, et effectue de sensuelles danses du taureau, devant les cornes de l’animal en furie et les yeux des jeunes guerriers, pour leur donner la force d’aller au combat. C’est dans ce temple que des années plus tard, Abram, son amour de toujours, viendra la chercher pour lui proposer de devenir sa femme et de fuir avec lui.

Déplacement de Sarah et d’Abraham d’Ur en Egypte vers 2100 avant notre ère. Crédit :Profs d’Histoire lycée Claude Lebois – Canalblog

L’épouse

Une nouvelle vie commence pour celle qui s’appelle désormais Sarah, épouse d’Abraham son bien-aimé. Elle apprend la vie simple au point de ne plus se distinguer des autres femmes nomades, bien que sa grande beauté et l’amour d’Abraham ne cessent de susciter leur jalousie. Mais Abraham, affirme qu’il n’existe qu’un seul Dieu, Yhwh, et que celui-ci lui a parlé. Accusé de renier ses ancêtres, il est contraint de quitter sa famille avec Sarah et tous ceux qui le croient.

Leur destin les conduit jusqu’à Canaan (Israël & Palestine actuelle), puis jusqu’en Egypte lors des années de sècheresse. Sarah est alors livrée à pharaon par Abraham qui la présente comme sa sœur pour sauver son peuple. A cet instant de l’histoire, on souffre en même temps que l’héroïne, on se révolte avec elle, et on prend surtout toute la mesure de la force de cette femme, dont la beauté ne se fane jamais, à son grand désespoir.  Elle va jusqu’à proposer sa servante, Hagar à Abraham pour lui faire un enfant : Ismaël, le fils que son Dieu lui a promis. Mais la jalousie la ronge et la douleur de ne pas pouvoir enfanter la renferme sur elle-même au point parfois d’en perdre la raison.

La mère

S’ « adressant sans honte au Dieu Très-haut d’Abraham », elle finit par être exhaussée et donne naissance à Isaac, le fils qu’elle n’attendait plus et qui pourtant la comblera de joie jusqu’à son dernier souffle, lorsqu’elle pria « le Dieu Très-haut que l’on se souvienne longtemps de Sarah et d’Abraham » (Marek Halter).

Tombeau des patriarches à Hébron. Crédit photo : Wikimedia Commons

La tradition dit que Sarah et Abraham reposent au tombeau des patriarches (mosquée Al-Ibrahim pour les musulmans) aux côtés d’IsaacJacob, et leurs épouses Rébecca et Léa. On dit que c’est ici qu’était la grotte de  Makhpéla, où Abraham fit élever le tombeau de Sarah selon ses dernières volontés pour bâtir « la première maison de tout un peuple » (Marek Halter).

Au-delà de cette incroyable histoire d’amour, j’ai découvert une femme qui a transcendé toutes les règles sociales pour épouser son homme qui n’était alors qu’un mar.Tu (un homme-sans-ville) mais dont le destin bouleversa celui de l’humanité. J’ai été touchée par l’enfant qui ne peut se résoudre aux règles sociales de son rang mais aussi par la femme qui, malgré l’amour inconditionnel de son époux, ressent dans ses tripes le malheur de ne pas pouvoir enfanter. Entre spiritualité et humanité, ce roman écrit à la première personne donne vie au personnage de Sarah auquel on s’attache au fil des pages, en nous faisant oublier par sa modernité, l’époque à laquelle il se réfère.