J’aurais voulu être égyptien

Article : J’aurais voulu être égyptien
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20 novembre 2012

J’aurais voulu être égyptien

Non, ce n’est pas moi qui le dit, prise d’une soudaine envie d’assimilation à la culture égyptienne ; ce sont les personnages de la pièce « J’aurais voulu être égyptien », adapté du roman « Chicago » de l’auteur égyptien Alaa El Aswany, qui était joué le jeudi 8 novembre à l’opéra d’Alexandrie, en coopération avec l’Institut Français.

C’est un public majoritairement francophone qui était venu voir la pièce, jouée en français avec des sous-titres en arabe parfois limités. Toute la communauté expatriée s’était retrouvée, parée de ses plus beaux habits et curieuse de la mise en scène du roman « Chicago », paru en 2007. Car c’était un véritable défi relevé par Jean-Louis Martinelli, que de faire vivre cette histoire au delà des mots, et de nous replonger dans une autre communauté, la communauté égyptienne de Chicago ; On a rencontré ce soir là, un étudiant épris de liberté, une épouse frustrée, un bon docteur, un universitaire usurpateur, un tartuffe islamique et un espion pervers venus étudier, travailler, faire fortune, chercher une nouvelle vie, ou tout cela à la fois.

Mais tous ces personnages n’en restent pas moins en proie aux questionnements qui secouent leur pays, et retranscrivent le débat au sein de leurs relations. Car nous sommes dans l’Egypte dictatoriale de l’ère Moubarak, avec sa corruption, ses méthodes de pression et d’intimidation, sa loi du silence. Ce sont justement les moments où le silence est brisé, où les tabous tombent, en matière de politique, mais aussi de sexe ou encore de religion, que nous donne à voir l’auteur, pour notre plus grand plaisir. Il est intéressant de fouiller dans les contradictions passées d’une société en plein changement pour mieux la comprendre ; contradictions qui ont amenées à une révolution. Alaa El Aswany dit de celle-ci, qu’elle est encore d’actualité :

« C’est un changement de vision du monde et dans la société à tous les niveaux : économique, social, culturel et bien sûr politique […] il y a des choses qui n’ont pas été faites, d’autres qui auraient pu être mieux réalisées ; je ne dis pas que tout est parfait. Je crois notamment que la justice sociale, qui était l’un des idéaux de la révolution a été un peu trop vite oubliée. »

« Regard d’Alaa El Aswany sur la transition en Egypte », Marwan CHAHIN, Moyen-Orient n°16 p10-14, Octobre-décembre 21012.

 Ces paroles expliquent un peu et  décrivent beaucoup, certaines des contradictions qui demeurent dans cette nouvelle société en construction, qui garde un pied dans le passé.

Les questions de religion, « à laquelle les égyptiens sont très attachés », les questions de mœurs, de justice sociale, de politique internationale font débat entre les partisans d’une Egypte conservatrice et les autres, souvent plus libéraux qui aspirent à plus de libertés individuelles. Toutes ces questions, qui se posaient déjà avant la révolution, et qui ont été retranscrites dans la pièce d’Alaa El Aswany, nous aident à adopter une lecture du présent plus précise, puisqu’elle est ancrée dans le passé.

Une autre question qui apparaît dans la pièce et aussi dans la vie, est celle de l’émigration : certains sont déjà partis il y a longtemps, comme nos personnages, tellement éloignés de leur Egypte natale, mais qui ne peuvent pourtant pas « lâcher » totalement les liens qu’ils entretiennent avec elle ; d’autres partent maintenant, déçus par une révolution qu’ils estiment ratée et des problèmes du quotidien qui persistent, enfin d’autres encore partiront plus tard, parce que c’est le rêve de beaucoup : ceux ci se sentent à l’étroit dans leur pays et pensent qu’ils trouveront ailleurs les moyens de se réaliser.

 Et on ne peux les blâmer, alors que nous avons la liberté de venir et de repartir de ce pays, et que nous pouvons jouir des bienfaits de cette nouvelle société d’accueil tout en gardant les avantages de notre nationalité : les visas, les sorties un peu tard le soir, la tolérance de la plupart des égyptiens vis à vis de notre mode de vie qui n’est pas le leur parce que l’on est justement, pas égyptien.

 

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