Les femmes des bus 678
Certains d’entre vous auront sans doute entendu parler du film « Les femmes du bus 678 ». J’ai eu la maladresse d’aller le voir avec ma mère, quelques semaines seulement avant de partir en Egypte. Nous n’avions alors pas beaucoup d’idées sur la vie des femmes en Egypte, et ce film nous a donné une idée quelque peu… inquiétante !
Il parle du harcèlement sexuel que subissent les femmes en Egypte, quotidiennement dans les bus du Caire. Ce film a fait couler beaucoup d’encre, et alors que je reviens juste de mon voyage, les gens me renvoient encore cette image d’un pays où les femmes seraient victimes. En Egypte, la problématique du harcèlement sexuel est soulevée par les organisations de la société civile, certains médias, et des collectifs se montent pour lutter contre, comme le collectif « The uprising of women in the arab world ».
On peut voir cela comme un niveau d’alerte sur la situation des femmes en Egypte, mais on peut aussi le voir comme la prise de conscience d’une des réalités des femmes dans le pays. La mienne sera distillée ça et là, pour vous donner à voir un avis qui se veut subjectif et dépourvu de sensationnalisme.
Mais d’abord qu’est-ce que le harcèlement sexuel ? Quelle idée vous en faites-vous ?
C’est se faire toucher les fesses par un inconnu en pleine rue ? Ça m’est arrivé, mais pas en Egypte. J’étais à Marseille, en France. J’ai pourtant entendu des histoires similaires lorsque je vivais à Alexandrie. C’est aussi arrivé à la plupart de mes amies du sexe « faible », devenant presque banal.
La plupart des victimes, n’ayons pas peur de les appeler ainsi, ont eu la première fois la même réaction : être paralysé de peur, de honte, ou les deux à la fois, et s’en aller sans rien dire. C’est aussi la réaction que j’ai eu. Parce qu’on se sent sale, qu’on a l’impression que cet individu s’est autorisé à violer notre zone de confort, à transgresser les limites de l’acceptable. Je ne vous parle pas ici des histoires de viol que l’on entend à la place Tahrir, lors des manifestations, faits connus pour décourager les femmes d’aller dans la rue et détruire la contestation. Je n’ai aucun témoignage là dessus. Je ne connais pas l’ampleur du phénomène et je ne peux qu’imaginer les dégâts qu’ils peuvent provoquer dans la vie des victimes.
Non, je vous parle ici de faits devenus presque banals, dans beaucoup de villes du monde et particulièrement en Egypte. Lorsque l’on raconte ce genre de mésaventure aux gens, la plupart chercheront à trouver une explication rationnelle à ce qui nous est arrivé : « tu ne devrais pas sortir à cette heure là ! », « tu ne devrais pas te balader seule », « tu devrais rentrer en taxi », etc. On m’a même suggéré plusieurs fois de me couvrir la tête pour avoir moins d’ennuis. Pourtant, c’est reconnu, les femmes voilées en Egypte n’ont pas moins de problème que les autres, comme le confirme Aswat Masriya :
« C’est une question de domination, pas de sexe. Plus la femme est voilée, plus grand est le défi (…). Cela excite les hommes. » Propos rapportés par Hélène Sallon, Le monde, »Grimé en femme, un Egyptien « teste » le harcèlement sexuel ».
Il y a même un mythe qui dit que les filles en niqab sont les plus belles du pays et qu’elles intriguent encore plus les hommes qui se retournent sur leur passage, les épient, les suivent.
Mais j’ai beaucoup de mal à accepter de modifier mon comportement ou mes habitudes vestimentaires de peur qu’elles soient prises pour une invitation. Je ne parle même pas d’un pays en particulier. Car on parle beaucoup de ce phénomène en Egypte mais il existe aussi ailleurs, dans nos sociétés occidentales. Ainsi une jeunes étudiante journaliste avait fait l’expérience de se balader dans les rues de Bruxelles et de filmer les remarques des hommes en caméra cachée. Sa vidéo avait mis à jour des pratiques de harcèlement devenues courantes.
Combien de fois mesdames, avez-vous remarqué un homme profitant d’un bus bondé pour se coller d’un peu trop près à vous ? Est-ce là aussi du harcèlement sexuel ? Devons-nous nous méfier de tous les hommes que nous croisons et qui sont un peu trop tactiles à notre goût ? Les limites sont floues et on a vite fait de basculer dans la paranoïa. C’est un peu ce qui m’est arrivé lorsque j’ai pris les Ndiaga ndiaye, ces minibus bondés de Dakar, où quoi que l’on fasse, on se retrouve très vite collé à son voisin. Je pense que chacune d’entre nous a ses propres limites, en fonction de sa culture, de son éducation, mais aussi de ses expériences, heureuses ou malheureuses. Et le plus important à mes yeux, est que chacun les respecte ; Si ce n’est pas le cas, ne venez jamais me dire que c’était de ma faute !
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