Recherche prince charmant désespérément

Article : Recherche prince charmant désespérément
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14 février 2013

Recherche prince charmant désespérément

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

L’Egypte a vécut des heures difficiles depuis la révolution, dont l’anniversaire a eu un goût de gaz lacrymogène qui nous pique encore les yeux. Alors que les journaux, TV et réseaux sociaux s’empressaient de relater les nouvelles et parfois les rumeurs, j’ai décidé de me poser des questions toutes autres, pour exorciser le sort et évacuer la pression ambiante. Et quoi de mieux que de parler des mœurs pour avoir l’esprit plus léger ! Car révolution ou non, la vie continue !

Je me jette donc à l’eau, pour aborder une question qui me taraude depuis mon arrivée en Egypte : celle des femmes en quêtes de mari, et des hommes à la recherche d’une femme ! Il y aura sans doute des points de vue différents entre les hommes et les femmes, mais je me suis intéressée à  la gente féminine, solidarité oblige.

Quelles sont les rêves des jeunes égyptiennes ? Quel est leur « homme idéal » ? Comment envisagent-elles les relations conjugales ? Comment se passe leur vie amoureuse ?

J’ai enquêté sur toutes ces questions, demandé l’avis des unes ou des autres, mais des mystères demeurent… Les jeunes égyptiennes d’aujourd’hui rêvent, comme beaucoup de jeunes femmes dans le monde en matière « congugale », de trouver l’amour. Rien d’extraordinaire dans ce constat plus ou moins universel. Mais le plus important ici, c’est qu’il sera le seul grand amour, celui avec qui elles se marieront, auront des enfants et finiront leur vie, Inchallah !

Le « seul» signifie que la plupart ne connaîtront pas d’autre homme dans leur vie, et pour être plus directe, dans leur lit. Bien sûr, il y a des exceptions, des parcours de vie qui les amèneront vers d’autres horizons, des non-dits aussi… Mais je parle ici d’un idéal de la société égyptienne, un exemple à suivre. Cet homme sera aussi le seul qui leur donnera le statut de femme mariée et responsable, et les émancipera du cocon familial. Tout ceci met beaucoup de pression sur les jeunes filles, afin de préparer leur avenir et son lot d’incertitudes.

Imaginez-vous, le jour de votre mariage, qui DOIT être le plus beau de votre vie, au côté d’un homme que vous ne connaissez qu’à travers les rendez-vous que vous avez eus ensemble autour d’un café en ville, ou devant la famille lorsque vous êtes fiancé. Votre intimité commence ici, avec cet homme. Imaginez la pression que vous avez, devant vos familles respectives qui ont dépensé beaucoup d’énergie et souvent beaucoup d’argent pour ce mariage. Il n’y a pas de doutes, cet homme doit être le bon !

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

Ces raisons expliquent toutes les précautions prises par les jeunes filles lorsqu’il s’agit de trouver un mari. Leurs critères de choix sont assez similaires des unes aux autres, d’après les témoignages que j’ai reçus. « Il doit être de bonne famille », m’expliquera une amie, car la jeune fille passera beaucoup de temps avec sa famille. « Il ne doit pas forcément avoir beaucoup d’argent, mais être bien éduqué, avoir de bonnes manières, un certain niveau d’études ». Une autre amie m’expliquera qu’« il doit être de la même classe sociale qu’elle » car pour répondre à tous ces critères, il n’y a que dans le même niveau social voire dans la même communauté qu’elle, que celle-ci trouvera quelqu’un qui lui correspond vraiment.

S’envolent ici nos idéaux de Walt DisneyCendrillon se marie avec le riche Prince et la Belle épouse la Bête. On ne vit pas dans le monde des Bisounours, on me l’a assez répété! Les codes sont ici bien loin de notre société où, en matière d’amour et dans bien d’autres domaines, on prend et on jette de plus en plus rapidement. Je me suis donc demandée comment se passe cette quête du Prince charmant.

Je me suis retrouvée dans un café des plus branchés d’Alexandrie, pour le brunch du samedi matin. J’y ai trouvé des jeunes gens plus séduisants les uns que les autres. Ils étaient venus nombreux, promener leur chien ou boire un café, entre amis ou connaissances d’école, où souvent les mariages se font.

Le manège était bien rôdé, et savoureux à regarder. Les jeunes gens faisaient mine de s’intéresser à l’animal de compagnie de leurs congénères, alors que c’était elles-mêmes qu’ils convoitaient. Plus besoin alors de s’encombrer de phrases toutes faites ou de chercher tant bien que mal un sujet de conversation pour se rapprocher de sa ou ses bien aimé-es. Mais le jeu était parfois compliqué, lorsque par exemple deux amies convoitaient sans scrupule le même garçon. Il y avait aussi la confrontation réelle après de longues conversations Facebook où chacun se dévoile un peu plus, un peu trop peut-être. Je demeurais pleine de questions, persuadée qu’il me manquait une pièce du puzzle pour pouvoir comprendre toute la scène.

Car j’étais ici dans un « monde » parmi d’autres, avec chacun leurs propres codes, leurs propres contradictions et leurs propres normes sociales. Ainsi, j’ai appris que le futur mari doit apporter un certain nombre de biens dans le futur foyer pour préparer la vie à deux. Mais ces apports seront proportionnels au niveau social, tout en étant toujours très onéreux pour les familles. Ainsi, pour les familles aisées, il faudra trouver un appartement cosy, dans un bon quartier ; il faudra aussi acheter une belle bague, si possible en diamant à la future épouse et payer une dote à ses parents (qui bien souvient vient payer la cérémonie). Alors que les familles plus populaires se contenteront d’apports plus modestes, faute de quoi leurs filles ne se marieront pas. Cela devient donc évident que seules les familles riches pourront répondre aux demandes les plus ambitieuses, et les familles les plus modestes auront même des difficultés à marier leurs enfants, faute de moyens.

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte de classes », écrivaient Marx & Engels  dans le Manifeste du parti communiste (1848) 

J’avais l’impression que les jeunes gens de mon âge étaient liés par un système de normes sociales qui conditionnait leurs choix. Ces normes étant elles-mêmes bousculées par la situation économique et politique du pays qui rend l’éducation difficile pour les plus modestes et qui fait s’accroître les écarts de revenus entre riches et pauvres.

J’avais beau vouloir me détourner de la réalité, elle me revenait en pleine figure. Pourtant, je ne cessais de penser, après avoir écouté les rêves de mes amies égyptiennes, qu’il demeure une part de poésie en chacun(e) de nous.

Crédit photo : Pascaline
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Commentaires

Mamady Keita
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Il demeure une part de poésie en chacun(e) de nous.Voila qui est vraiment bien dit ! Très bel article.Vous avez une belle plume.

kaito
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Quel beau parcours Pascaline!
Et quelle belle plume comme dit Mamady. Le ton léger, décalé , avec ce qu'il faut d'humour , bravo!
Et puis l'amour quand même, quoi de plus beau en Egypte comme ailleurs.
SUERTE
kaito

pascaline
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Merci à vous deux! Vos commentaires me font pousser des ailes! Et Kaito, quel plaisir de te retrouver ici! Le monde est finalement presque tout petit! :) Hasta pronto!

nathyk
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Je rejoins les 2 autres : Félicitations ! C'est un tres beau texte... qui a su tout mettre en éxègue : l'information, la culture, les grandes questions auxquelles la société d'aujourd'hui est confronté... le tout dit dans un style "superbe" !