Le romantisme à la marseillaise
Dimanche, j’étais d’humeur romantique… J’avais envie d’écouter des chansons arabes à l’eau de rose en mangeant des loukoums et en lisant les contes des Mille et une nuits. Vous l’aurez remarqué, mon séjour en Egypte aura laissé des traces sur mon sentimentalisme. Seulement voilà, dans ma citée phocéenne bordant la Méditerranée, je vis chaque jour des moments de poésie d’un autre genre… Instants choisis.
Dimanche, je suis sortie, avec mon vieux legging et mon t-shirt à l’effigie de Côte d’Ivoire tourisme taille XXL arboré fièrement, pour rejoindre le parc du 13e (arrondissement) où je vais habituellement courir. A peine avais-je passé le boulevard National, qu’un bougre m’interpellait devant son groupe d’amis, pour qualifier les guenilles qui m’habillaient de « tenue sexy ». Je me suis promis de relater ici l’évènement, pour prouver à l’Office du tourisme de Côte d’Ivoire que je relevais brillamment le défi d’ambassadrice dont ils m’avaient affublé, au même titre que les autres mondoblogueurs présents à Abidjan.
Je continuais donc mon chemin en ayant l’impression de frôler les podiums d’un grand défilé Chanel. Je vous l’ai déjà dit, Marseille est magique, elle transforme les vieilles Nikes de Cendrillon en escarpins Louboutin en un tour de main. Mais comme mon carrosse était en retard, j’ai pris le bus 34 pour rejoindre le parc du Merlan.
A l’arrêt de bus, deux jeunes hommes du quartier à l’éloquence sans pareil discutaient entre « hommes » de leurs préoccupations du moment, en oubliant ma présence.
– « Tu as vu la gadji* dans la smart ?!!!!
– « Ouaiiii, putain, il faut que je baise… »
*vocabulaire d’usage à Marseille pour désigner une jeune fille
Quelques instants plus tard, dans le métro, deux jeunes gens « Bon Chic, Bon Genre » s’assirent à mes côtés. Mais leur ramage ne se rapportait en rien à leur plumage, et les trois phrases qu’ils échangèrent les firent passer du statut de Phénix à celui de corbeau.
– « Tu l’as vue, la fille ? »█
– « Ouais, elle avait tout ce qu’il faut là où il faut ! (Rires) »
– « C’était pas dans son cerveau, c’est sûr ! »
Puis, arrivée enfin chez moi, j’entrais dans l’ascenseur de mon immeuble. J’allais enfin pouvoir me laisser aller à la rêverie, en oubliant (un peu) la brutalité du monde extérieur. Seulement voilà, une dernière épreuve m’attendait avant de pouvoir atteindre mon havre de paix.
Un jeune homme visiblement en mal d’amour me questionna dès la première seconde ou je franchissais la porte :
– « étudiante ?
– « Non. »
– «Tu travailles où ?»
– « A Marseille »
– « Ça fait longtemps ? »
– « Non… »
J’arrivais enfin à mon étage… Je croyais pouvoir m’extirper de cette conversation peu constructive. Malheureusement pour moi, mon interlocuteur aussi habitait au sixième étage ! Je n’avais alors pas mis un pied en dehors de la cage d’ascenseur, qu’il se présentait à moi, me serrait la main, et arrivait à sa porte…
Je venais enfin de mettre un visage sur le voisin dont la musique faisait saigner mes oreilles et dont les basses faisaient trembler mes cloisons, depuis maintenant des mois.
-Ah ! (lui dis-je étonnée) C’est toi, le voisin qui fait du bruit ?!
(il me répond, encore plus interloqué) – Euh… C’est toi, le mot dans ma boîte aux lettres !
Les présentations étaient faites !
Puis, sans transition :
– « Tu fais quoi ce soir ? »
– « Je sors… Et, euh…ensuite… je cherche une excuse pour me sortir de cette situation embarrassante »
– « Viens dîner, on fera connaissance… »
– … ?!!!????
Je me suis alors demandé si, ne serait-ce qu’une seule fois dans la vie du pauvre maladroit, sa technique avait pu fonctionner. Je préfère ne pas connaître la réponse et croire encore qu’il reste un peu de poésie dans ce monde.
Hier, j’étais d’humeur romantique… Je suis donc retournée écouter mes chansons arabes à l’eau de rose et lire mes contes des Mille et une nuits.
Commentaires