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Revue de l’actualité sénégalaise pour les non initiés

Que c’est-il passé cette semaine dans le pays, ou plus précisément à Dakar ? Quels sont les titres qui ont fait la une des journaux ? Que devons-nous retenir de l’actualité ? Voici quelques éléments de réponse, en toute subjectivité !

Vous ne serez pas étonnés si je vous dit que l’information primordial du moment était le départ des désormais (presque) célèbres mondoblogueurs venus à Dakar, du 6 au 14 avril dernier. Fait marquant surtout pour les concernés, je vous l’accorde, puisqu’ils ont pu mettre un visage sur un blog et ainsi passer du monde virtuel au monde réel. Je ne reviendrais pas en détail sur le contenu et la teneur de cette formation, car certains l’ont déjà très bien fait jusque là. Allez donc faire un tour du côté du blog de Nicolas Dagenais le montréalo-berlinois  ou de rené Jackson dit le panda, pour en savoir plus sur les aventures des mondoblogueurs à Dakar.

Toujours est-il que le sujet du journalisme citoyen fait des émules, puisque j’ai lu ce matin que l’Institut Panos Afrique de l’Ouest avait lancé mercredi le projet « Médias sociaux et citoyenneté » au Sénégal.

« Il prône l’utilisation des médias pour une meilleure compréhension du monde journalistique dans le cadre de l’information » Binta G. Diatta dans le journal « Grand Place » du 18 avril  2013 n°2208.

J’y voit ici un écho à l’idée qu’est venue nous insuffler la formation : à l’heure du web 2.0 et de l’essor des médias sociaux, nous sommes tous des producteurs d’information potentiels. « Mise en réseau », « mobilisation sociale », « contrôle citoyen de l’information » sont alors les maîtres mots. Et à ce jeu du doit à l’information, l’Afrique n’est pas en reste, comme nous l’ont d’ailleurs prouvés nos chers mondoblogeurs venus du continent. Peut-être parce que certains de ses régimes arrivent à des tournants dans leur processus démocratique et que les journalistes citoyens ont bien compris qu’ils pouvaient se saisir de cette tendance pour avoir leur mot à dire. Alors simple buzz ou véritable révolution ?

N’y a-t’il pas de meilleure preuve sur l’ampleur du phénomène que lorsque les gouvernements, comme celui de Macky Sall s’en saisissent pour « mettre en œuvre une dynamique de développement d’une société de l’information plus inclusive et respectueuse des valeurs humaines » Binta G. Diatta. op.cit ?

Et sans transition, puisque je vous parle de lutte pour la démocratie, il en est une qui tient à cœur de Macky Sall le plus tout à fait nouveau président du Sénégal : la lutte contre les biens mal acquis dont il a fait son credo ces derniers temps. Celle-ci provoque un véritable déferlement médiatique lorsqu’elle s’incarne en la personne de Karim Wade, qui n’est autre que le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, et ancien ministre d’Etat.

Ce dernier à passé les dernières nuits en prison, placé sous mandat de dépôt par la Commission d’instruction de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Il est poursuivit en justice pour un « délit d’enrichissement illicite » et devra justifier de l’origine de sa fortune.

Les images de l’ex-héritier du trône réveillé en pleine nuit par la police sont actuellement sur toutes les télévisions du pays. Elles viennent nous rappeler que les places au soleil sont chères et que l’on peut rapidement passer de fils chéri d’un président en exercice à bouc émissaire d’un système corrompu.

Mais lorsque la planète média  ne s’arrête pas de tourner autour du cas de M. Wade, quelques autres brèves de l’actualité apparaissent :

Wally Seck, le fils de la star de la chanson Thione Seck et chanteur à ses heures perdus, se serait fait dépouiller dans le quartier de Grand Yoff au matin du 17 avril. La preuve peu-être que ce genre d’incidents malheureux n’arrivent pas qu’à nous ! A l’heure ou nous concluons, on apprend que cet incident ne serait qu’un coup-monté pour faire le buzz autour de l’anniversaire de la star, prévu dans les semaines qui viennent.Affaire à suivre dans les coulisses de la vie dakaroise! Il me reste encore beaucoup de choses à découvrir, et à vous faire partager! Mais c’est tout pour aujourd’hui. Bonne semaine à tous, où que vous soyez.


Le mbalax doit il rester sénégalais ?

WOMAD 2005 - Youssou N'Dour et Les Super Etoiles de Dakar. Crédit photo : FlikR.  Damian Rafferty
WOMAD 2005 – Youssou N’Dour et Les Super Etoiles de Dakar. Crédit photo : FlikR. Damian Rafferty

Du 6 au 14 avril dernier, plus de 60 mondoblogeurs-ses se sont retrouvés à Dakar, au Sénégal, pour une semaine intense de formation sur l’écriture journalistique, les techniques de sécurisation d’internet, la communication destinée à l’outil internet… J’avais la chance d’être parmi eux et de vous dévoiler quelques impressions, en explorant la ville. De retour à Dakar quelques mois plus tard, alors que la nouvelle saison Mondoblog est lancée, j’ai une fois encore pris part au débat musical du moment et j’ai eu envie de vous le faire partager. 

Si vous me demandez de vous parler de Dakar, je vous parlerais d’abord de mbalax. Peut-être parce que j’ai découvert la musique avant la ville, ou que c’est elle-même qui m’a poussé à venir ici. Peux-être parce que ma première rencontre avec cette ville s’était couronnée par un concert mémorable du roi du mbalax, le dénommé Youssou Ndour, dans sa boite de nuit Le Thiossane. Une soirée débutée très tard comme le veut l’usage, et terminée en beauté avec une invitation au public à venir danser avec les artistes sur la scène. J’apprendrais plus tard que c’est la tradition et une véritable institution au Sénégal ; où la musique et la danse se donnent le change et où la pudeur tombe, pour nous donner à voir un spectacle incroyablement beau et sensuel, en étant tout à la fois tellement noble. Je me souviens aussi que je m’étais alors dit que tout ce que je connaissais de la fête jusqu’à cet instant était obsolète par rapports aux instants que je venais de vivres.

 Pour en savoir un peu plus sur le sujet, je me suis donc mise à l’ouvrage et je suis allée rencontrer Michael Soumah, animateur et producteur à Dakar FM, célèbre radio dakaroise. Il est venu me confirmer la place de Youssou Ndour dans la popularisation de cette musique.

Mais Youssou n’avait pourtant rien inventé dans les années 1970. Il a popularisé  un rythme composé de percussions telles que le Mbeung-Mbeung, le Khiin, le Talmbatt, le Thiool, le Sabar et autres. La musique américaine, qu’elle soit jazz, soul, pop, Rythm and Blues ou salsa, a beaucoup influencé le mbalax jusqu’à la fin des années 70. Mais il a connu ensuite un « retour aux sources », avec des musiques comme la salsa-mbalax (de la musique cubaine accommodée de percussions sénégalaises) et le groupe acoustique « Wato Sita », qui signifie « Il est temps » en Mandingue, qui est venu apporter une touche beaucoup plus originale en incluant dans sa musique les différents instruments que l’on retrouve dans la musique traditionnelle du Sénégal.

https://soundcloud.com/guillermo-mq/africando-yay-boy-salsa

Ce que reproche le journaliste à cette tendance, est le fait que le mbalax soit depuis resté une affaire « sénégalo-sénégalaise ». Il veut signifier par là que, si la musique sénégalaise s’exporte, elle est surtout écoutée à l’étranger par les gens de la diaspora. Je me suis alors rappelée une soirée sénégalaise surprenante à laquelle j’avais assisté à Paris. C’était une occasion rare de venir écouter de grands noms du mbalax comme Titi, Pape Diouf et Pape Thiopet dans la capitale française. Mais il est vrai que le public ce jour là était essentiellement sénégalais. Je me questionnais alors, si moi je pouvais écouter du mbalax et y prendre plaisir, pourquoi les autres « toubab » ne le feraient-ils pas ? J’avais, il est vrai été mise au parfum par des initiés, et je n’aurais peut-être pas persévéré si je n’avais pas un jour mis les pieds au pays de la téranga, comme on aime à l’appeler. C’était une explication possible. Je comptais creuser un peu plus loin…

Mickaël Sumah explique cela par le manque d’évolution de la musique mbalax. Il entend ici le manque d’adaptation aux « normes de la musique ». Je n’étais pas sur de ce que cela signifiait. Il ajoutait qu’il était selon lui difficile pour un européen de danser sur de la musique mbalax, à son goût trop syncopée. Je trouvais que c’était peut-être ici aussi ce qui faisait le charme de cette musique, son authenticité. Le terme peu paraître un peu caricatural, mais il vient signifier qu’une musique qui adapte ses codes a des « normes » qui sont entendus comme des critères définis pour plaire à un public européen voir occidental peut perdre toute sa valeur et sa profondeur.

Mais mon interlocuteur poursuivait son explication au fur et à mesure de mes questionnements, pour m’aider à comprendre son raisonnement.

« Il est temps pour nous de faire voyager notre musique ! La musique d’Afrique centrale : congolaise, ivoirienne, nigérienne s’exporte très bien ! Nos chanteurs doivent pouvoir s’exporter aussi, tels qu’ils sont ».

 

Y-avait-il un peu de fierté nationale dans le raisonnement de l’animateur et producteur ? Peut-être, mais pas seulement. Ainsi, m’expliquait-il, les chanteurs comme Baaba Maal ou Ismael Lo sont beaucoup plus écoutés à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays. Ils sont tous deux sénégalais mais le premier, peul, chante sa région d’origine, le Foutah au Nord du Sénégal ; tandis que l’autre a beaucoup collaboré avec d’autres artistes, d’autres genres musicaux, pour parvenir à une musique très métissée. Mais tous les deux ne faisaient pas du mbalax. Cela ne faisait donc pas avancer ma réflexion. Peut-on comprendre le mbalax si l’on ne connaît pas le Sénégal ? Peut-on apprécier ses rythmes si l’on n’est pas à Dakar ? Je pensais définitivement que oui. Mais cette discussion m’amenait plutôt à penser que l’on ne peut l’apprécier pleinement, qu’en étant à Dakar. Ainsi, danser sur la musique de Youssou N’dour à Marseille au milieu de mes compatriotes m’avait semblé bien triste aux souvenirs de ma soirée au Thiossane !

Pour mon interlocuteur, la musique mbalax avait d’abord peu évolué, mis à part les voix des chanteurs. Pourtant, il m’expliquait que la nouvelle génération  comme Adiouza, Carlou D ou encore Pape Ndiaye Thiopet puisait dans des genres nouveaux et n’hésitait pas à reprendre des succès de la musique américaine pour les « mbalaxiser ». Il y a aussi le « Marimba », une rythmique brésilienne qui aujourd’hui fait parti du mbalax selon lui, bien que produite par le clavier électronique. Mais les stars que j’ai cité ont d’après lui une éducation musicale issue du jazz et de la variété. Ils sont venus au mbalax parce que ça fait vendre, aux jeunes, aux vieux, de 7 à 77 ans. Il y a donc une identité culturelle très forte autour de cette musique. Elle me rappelle un peu l’omniprésence du wolof au Sénégal, et l’étonnement de mes amis « ouest-africains » de tous bords, qui s’étonnent de voir qu’ici les chauffeurs de taxi parlent seulement le wolof !

Comme si le Sénégal conservait des spécificités culturelles fortes qui avaient parfois disparus dans d’autres pays d’Afrique francophone. Comme si les sénégalais faisaient de la résistance, face à la mondialisation de la culture, et à la génération de termes un peu four-tout et très commerciaux de world musique, afro-jazz, afro-beat, afro-pop… Comme si tout en reconnaissant leur identité africaine, les sénégalais revendiquaient avant tout leurs identité sénégalaise. Je le découvrait de jour en jour, aux côtés de nombreux mondoblogeurs venus de toute l’Afrique francophone, qui semblaient aussi dépaysés que moi, lorsque j’ai débarqué en Egypte !

A tous ceux qui viendront me dire que l’Afrique est un pays, je leur répondrait de venir voir un peu de plus près…

Mais depuis cet interview, il y a eu le grand bal de Bercy 2013, où Youssou Ndour a livré un show exceptionnel dans une salle comble de 15 000 personnes. Voilà qui vient quelque peu contrebalancer nos propos précédents quand on sait que même les plus grandes stars hésitent à venir défier Bercy tant cette salle est difficile à remplir.

Si les passages de Youssou Ndour à Bercy sont devenus une institution depuis plus de 10 ans, cette année se caractérise par son retour à la scène après son rôle en politique dans le gouvernement de Macky Sall. Un retour attendu et annoncé, autant en France qu’au Sénégal, où j’avais la chance d’être lors de ce concert. Je vous livre ici mes impressions, où j’ai regardé le concert sur la TFM, depuis Dakar, dont les rues entières annonçaient l’événement.

La soirée a débuté aux alentours de 20h, heure locale, soit bien après le début du concert en France, que nous attendions avec impatience. Le présentateur Boubacar Diallo nous a parlé de l’entrée en scène magnifique de Youssou Ndour, des costumes de scènes éblouissants, mais nous avons été un peu déçus de ne pas avoir pu le constater par nous même, alors que nous pension voir le show en intégralité. Ensuite, des grandes stars sénégalaises, comme Viviane, Pape Diouf, africaines comme Fally Ipupa et Sekouba Bambino et internationales comme Ayo, sont venus, parées de leurs plus beaux habits,  donner leurs impressions après leur passage sur scène et rendre hommage à Youssou Ndour et à la musique africaine. Tous  ne pouvaient pas ne pas être là, et nous le faire savoir à Dakar.

Si la prestation scénique de l’ambassadeur du mbalax, qui n’a plus rien à prouver, n’était pas l’enjeu de cette soirée, j’ai réalisé l’antagonisme entre cet ici (inhabituel pour moi) et là bas (plus proche de mon quotidien). Il y avait ceux qui étaient à Bercy et ceux qui n’y étaient pas, soit la majorité des sénégalais.   Je devais être la seule à Dakar à être heureuse de ne pas y être, et de regarder l’émission depuis le salon.

Je me suis alors demandé pourquoi faire un concert de mbalax, dont j’avais cru comprendre qu’elle touchait majoritairement les sénégalais, en France?

Pour vendre des billets aux sénégalais de la diaspora nostalgiques des concerts de mbalax?

Pour se donner les moyens de faire un spectacle beaucoup plus grand que ce que permettrait le grand théâtre de Dakar?

Pour relancer sa carrière musicale après sa parenthèse politique, avant les concerts du 1er novembre et du 4 janvier à Dakar?

Pour faire partager sa musique au delà des frontières sénégalaises et contribuer à son rayonnement?

Peut-être plus encore qu’avant son rôle de ministre, Youssou Ndour était à Bercy en véritable ambassadeur de la musique sénégalaise et africaine, mais aussi au delà, « pour faire la fête et réveiller la conscience du continent noir ». Dans son interview donné à RFI, le chanteur met l’accent sur l’image de l’Afrique dans Paris, au cœur de l’Europe. Une musique politique en somme.

Voilà qui répondait en partie à mes interrogations. Mais je ne pouvais m’empêcher de me questionner et de penser à ma discussion avec Michael Sumah sur la place du mbalax. C’était comme si la preuve de la réussite de cette musique au Sénégal ne pouvait se faire que par l’étranger. Comme si le mbalax ne pouvait pas rester sénégalais pour être reconnu. Comme si Bercy avait le monopole de la consécration de Youssou Ndour.

Je n’avais pas d’autres réponses… Alors j’ai savouré spectacle en mangeant des arachides et en buvant du thé, que l’on ne trouve pas si facilement à Bercy….

Et j’en ai profité pour vous ramener quelques pépites pour vous mettre dans l’ambiance.


Chronique d’un retour au pays natal

Crédit photo : Darko Kovacevic
Crédit photo : Darko Kovacevic

Hier soir j’ai vu l’Egypte à la télé française. Je me suis retrouvée pour la première fois spectatrice des événements qui étaient une de mes réalités depuis maintenant six mois. Hier, je suis rentrée au pays natal, j’ai pleuré à l’idée de partir, j’ai souri à l’idée de revoir la famille, les amis.

Les longs voyages nous donnent le temps de réaliser, de prendre un peu de recul sur les lieux, les gens, la vie que l’on quitte et celle que l’on va retrouver.

Hier j’ai pris conscience que chacun des mots que je diraient sur ce que j’ai vu, vécu et étendu là-bas serait important. Ils brosseront le tableau d’Alexandrie et de l’Egypte à ceux qui n’ont pas eu la chance de les découvrir. Ils viendront confirmer les stéréotypes sur la révolution, les manifestations ou encore les islamistes véhiculés par les médias, ou les infirmer. Il me tient à cœur de les déconstruire. L’aventure n’est pas terminée. Elle continuera dans la retranscription de tout ça. Car je garderais toujours une partie de moi dans la cité d’Alexandre et que les grands-écarts culturels engendrés par le voyage méritent que l’on s’y attarde. N’est-ce pas justement ce que l’on recherche?

Hier j’ai eu peur que l’on me me renvoie l’image d’un pays que j’ai appris à aimer ; une image qui serait très loin de la mienne et qui me ferait mal. Comme si tout ce que j’allais dire pouvait servir d’argument réquisitoire à l’encontre de tous les égyptiens. Peuple que l’on juge (et à qui on refuse les visas) au regard de l’action de se dirigeants ou des événements sporadiques qui font les grands titres ; ceux qui vous donnent l’impression que le pays est en guerre.

Hier j’ai eu peur de laisser ce pays et cette ville et de ne plus jamais les revoir comme avant. Les choses changent inévitablement. Je ne peux lire le futur et imaginer comment elles évolueront, ou comment je verrais l’Egypte dans les mois et les années à venir. Je n’arrive pas encore à me faire une idée, malgré après avoir posé la question à de nombreuses personnes là-bas.

J’ai aussi eu peur de la fuite en avant que je risquais pour éviter la confrontation du retour, le décalage ou encore les souvenirs trop loin de cette nouvelle réalité française.

Je me souviens avoir lu la dernière lettre d’Olivier Voisin, ce grand reporter de guerre tué en Syrie en février dernier par un tire d’obus. Je me souviens qu’il parlait de « cam » pour mettre un nom sur ce qui le poussait à aller au cœur des conflits les plus dangereux pour y poser des images et les rendre visibles aux yeux du monde. Certains ont des passions qui les poussent à  repousser les limites, parfois même au péril de leur vie.

Le voyage peut-être considéré comme une addiction qui ouvre des portes mais remet aussi en question beaucoup de choses. Les « normes » d’ici ne sont pas celles d’ailleurs et il est important d’en prendre conscience pour réaliser la diversité de notre humanité. Beaucoup de chose nous restent encore à apprendre.

Mais hier je me suis posée à la terrasse d’un restaurant du plus ancien quartier de Marseille et j’ai eu l’impression d’être au cœur d’un roman de Marcel Pagnol. J’ai été rassurée car malgré les apparences des habits de fêtes qui visent à la transformer en une capitale d’élite et de prestige, Marseille n’avait pas changée. Dans un monde en mouvement, il y a des constances qui viennent apaiser nos angoisses.


« Alexandrie, la ville qui offre tout à ses amants, sauf le bonheur »

A tous les Alexandrins, tous ceux qui sont passés par la ville ou qui y passeront, à mes compagnons de voyages…

Crédit photo : Kariem Saleh
Crédit photo : Kariem Saleh

I’m actually reading a book. If you want to know more about my Alexandrian life, you must read this book. All the foreigners who passed by Alex read it. It’s like Mussa (Moses) stick that pass from people to people, to learn more about our city, to create link between the people who read it : it could be the community of the people who read the story. You must ask what is this book I’m talking about. What is this mysterious story that transform you, that help you to understand your city and the way “she” was working. She is not what she was in the 40’s but she is still the same. We all recognize her when someone talks about her.

“She” is Alexandria, the alive city that (n)ever sleep. The door of Africa, middle east and Meditteranee in the same time. She is a mix and she was proud of it. Now, she is more and more struggling between all here identities.

“She” is “Justine”, the young women who was born a long time ago but don’t have any wrinkles on here beautiful face. She is passion, she is poetry and nostalgia, she is love, affair and tears. She is icon, untouchable, unattainable. She is what people expected from her, and she is the contrary.

She is improbable friendship, mutual aid, tribe. She is family, lover and friend in the same time. She is what we miss. She miss what we had.

She is the excess, that push you into land never explored. She is the deficiency that surrounds you with fears and frustration.

She is war, she is life continuing whatever will happen, because we never know. She is the joy of the moment.

She is stucked in a period, dreaming of the past and hopping for the future but running away from the present. She is paradox.

She is gossip, we know everything about everything inside her without never asking. She is different characters that seem to be completing each other. She is a part of the system without being totally inside it.

She is what we could never explain to whom never lived with. But she is yet so predictable that she makes us asking ourselves where is our identity when we are with her. Are we all made in the same cut and acting in the same way to be here? What is our hope with her? Why are we all convinced that she can find something special inside us?

She makes us live what we never lived before. She is adventure. She made us think that we are unique.

You could be Justine, and I could be her too. Because we are here, trying to explore ourselves more than exploring the city. Because we are looking for something that maybe do not exist, or is very rare. It s like the Golden eggs’ chicken story. I will tell you this one another time. What we are looking for maybe is not what we think. But what are we looking for? Why are we leaving our family, lovers and friends, to come in this country, in this city, in this community? Why are we looking for something difficult, different and extraordinary? Why are we challenging the norms, crossing the borders, trying to open different doors?

All the people ask me those questions before I came here. I’m still thinking about this question and looking for the answer. There is a lot of answers. We all have the key inside us.

Just read the book and tell me…

 

 Lawrence Durrell, Justine, 1957.

 

 

 


Le jour où je suis devenue féministe

Crédit photo : https://www.facebook.com/Graffitiuprisings
« Beautiful, despite your fascist standards! « 
Crédit photo : https://www.facebook.com/Graffitiuprisings

Le féminisme, avant, je le considérais comme un courant de pensée et de révolte un peu démodé, réservé à quelques quinquagénaires aux cheveux courts qui perpétuaient les combats de la révolution de 1968 pour le droit à l’égalité salariale, à la liberté sexuelle, à l’émancipation du carcan familial, au droit au travail… Mais je pensais aussi naïvement que ces combats n’étaient peut-être pas les plus importants, dans notre monde globalisé où les inégalités vont bien au delà de l’oppression du « deuxième sexe ».

Pourtant, à l’heure où l’on célébrait la journée internationale de la femme, un vent de féminisme s’est éveillé en moi.

Des raccourcis souvent maladroits circulent sur le droit des femmes dans le « monde arabe », de l’image de la burqa à celle de la femme soumise qui fait la cuisine et s’occupe des enfants pendant que son mari est sorti.

Quand je suis arrivée en Egypte, la première question que me posaient les égyptiens après les traditionnels : comment trouves-tu l’Egypte? Comment te sens-tu ici?… était la suivante : comment vis-tu le harcèlement sexuel? C’est désormais reconnu dans la société, il existe du harcèlement sexuel en Egypte. Il existe également des femmes et des hommes engagés qui luttent contre mais aussi une «révolte»  des femmes dans le «monde arabe» qui se lit jusque sur les murs de nos rues. Le harcèlement existe aussi à Paris ou à Marseille où l’on peut encore, dans ce pays des droits de l’homme (et de la femme?), se «faire toucher les fesses» dans la rue où dans le bus lorsque l’on est une femme.

Au delà de ces faits qui restent marginaux, (je veux ici rassurer mes parents qui liront cet article !), il y a une tendance qui a retenu mon attention et qui m’a révolté. C’est cette soi disant bienveillance qui est ici répandue, mais aussi largement pratiquée en Europe, ne vous y méprenez pas! Celle qui consiste à placer la femme non pas comme l’égal de l’homme mais comme «complémentaire». Celle qui la met dans une position de «faible», «dominée» voire «incapable» dans ces petits riens qui font son quotidien : on lui porte ses affaires, on lui tient la porte (jusqu’ici de grave messieurs on peut apprécier la galanterie), mais je dis stop lorsqu’on on agit à sa place, on lui paie tout, on s’interpose pour prendre la parole à sa place face à un homme, on lui dit comment s’habiller pour ne pas qu’on l’importune…

On me répondra que c’est pour son bien, que la femme est différente physiquement de l’homme par nature, et que c’est pour la protéger des individus qui auraient des mauvaises pensées en la regardant, en particulier si elle est jeune, étrangère et frêle ; que c’est une preuve d’amitié et de bienveillance que de vouloir la protéger. Je l’entends. Mais vous n’imaginez pas comme tous ces petits riens soulèvent en moi un vent de révolte, et un sentiment d’infantilisation. Messieurs, vous aurez beau me dire que c’est pour mon bien, lorsque vous agissez ainsi (et je ne remets pas en cause votre bonne foi !), lorsque ça me concerne, je me sens comme un petit être fragile, à l’image d’un enfant, qui a besoin d’être représenté parce qu’il n’est pas assez grand pour agir lui même. J’ai l’impression que l’on ne prend pas en compte qui je suis vraiment, que l’on me néglige . Je me sens nulle. Je me sens finalement humiliée, comme lorsque l’on me siffle dans la rue. Je me sens objet. Et je déteste ça.

Je prends conscience qu’il n’est pas question ici d’adaptation culturelle ou de nationalité mais de respect des personnes, des femmes. Et que c’est à moi (à nous?) de poser les limites de ce respect.

J’ai lu, il y a quelques temps un article à ce sujet, dans un magazine de vulgarisation de la psychologie que vous connaissez sans doute, et qui n’est pas sans raccourcis simplificateurs, mais cette idée avait là retenu mon attention :

Les journalistes se posaient la question de savoir pourquoi les jeunes footballeurs, nouveaux riches de notre société du spectacle, allaient voir les prostituées (souvenez-vous du scandale de Zahia, une prostituée devenue célèbre par ses clients de l’équipe de France?) pour subvenir à leurs besoins sexuels alors que toutes les femmes du monde étaient à leurs pieds et qu’ils pourraient y parvenir sans dépenser un «sou». La réponse mettait en avant le désir de posséder la femme : dépenser une somme d’argent pour coucher avec une femme leur accordait la jouissance de la possession de son corps, en tant qu’objet, leur toute-puissance, en somme.

Je comprends maintenant le sens de ces mots. Et pour moi, c’est ici le cœur du problème. Une femme-objet n’a pas le pouvoir de décider ce qui est bien pour elle. Une femme-objet n’est pas en mesure de choisir l’homme, la femme ou même les hommes avec qui elle vivra, rêvera, et/ou couchera.

La considérer ainsi ouvre la porte à tous les abus et autorise toute les violences : harcèlement sexuel (physique ou psychologique), violences conjugales, viol…

Doit-on considérer la femme comme l’égal de l’homme et ne pas hésiter à la placer en ligne de front lors des conflits, ou la faire travailler pendant sa grossesse? Où sont les limites entre féminisme et différences physiques indiscutables ? La femme est aussi et surtout différente de l’homme par culture, parce qu’on lui offre encore des poupées quand elle est encore enfant plutôt que des petites voitures, qu’on lui permet de pleurer plus que les petits garçons car elle, peut être faible alors qu’eux doivent être forts, et qu’on continue alors qu’elle est adulte à la considérer ainsi.

Je vous invite à lire un très beau livre qui a le mérite de reposer des questions que nous avions oubliées depuis longtemps, confortées par des acquis de la «révolution sexuelle» de nos parents, qui n’ont pas évolués depuis (dans le bon sens)…

Il raconte la transformation d’une jeune femme éduquée comme un homme, qui peu à peu, prend conscience de sa féminité et (re)devient femme : « La nuit sacrée », de Tahar Ben Jelloun.


Les rêveries du promeneur pas vraiment solitaire

Crédit photo : Flikr
Crédit photo : Flikr

Stéphane Hessel n’est plus. Celui qui nous a tous invités, du Nord au Sud, de l’Est a l’Ouest, à nous indigner, a tiré sa révérence. La nouvelle est tombée mercredi matin, elle m’a rappelé sa pensée, dans un pays en constante indignation. Indignation des femmes pour leurs droits, indignation des citoyens pour la démocratie, indignation des Hommes contre le système en place. Il y a les grandes et les petites indignations. Celles qui relèvent des grandes questions de sociétés, et celles qui relèvent de notre quotidien. Souvent, les deux se rejoignent car elles sont intimement liées.

Ainsi, comme le disait Stéphane Hessel dans un de ses derniers interviews accordé à l’Agence Française pour le Développement,

“Nous sommes tous conjointement responsables de ce que la crise, dans laquelle nous vivons maintenant depuis 5 ans, ait affecté tout particulièrement les pays du Sud”.

Selon le Crédit Suisse, les 1 % les plus riches de la planète possèderaient 43,6 % de la richesse et les 10 % les plus riches en détiendraient 83 %.

1,3 milliard d’habitants vivent toujours sous le seuil d’extrême pauvreté, soit près du quart des habitants de la planète.

(Source : Observatoire des inégalités).

Je vis aujourd’hui dans un « pays du Sud », un de ceux que l’on appelait il n y a pas si longtemps “Pays Sous Développé » (Harry Truman, 1949), pour lui préférer ensuite le terme plus politiquement correct de “Pays En Développement”. Terme qui a justifié les politiques d’aides au développement, notamment du FMI et de la Banque Mondiale, basées sur l’établissement d’un modèle économique libéral, condition de l’octroi des-dites “aides”.

Je suis donc de l’autre côté du miroir et je dois assumer ma place en tant que Jeune, Femme, Européenne, et beaucoup d’autres adjectifs qui font parti de mon identité et sont mis à l’épreuve au quotidien, pour mieux me rappeler mes idéaux et me battre pour eux.

Je suis Jeune, et j’ai la chance d’avoir terminé des études passionnantes. Mais je m’indigne lorsque l’on me reproche d’être trop jeune, pas assez expérimentée ou trop qualifiée, pour obtenir les emplois que je convoite, ceux pour lesquels j’ai étudié dur, qui ne semblent pourtant pas envisageables pour moi avant mes trente ans! On dit que la crise de l’emploi et les délocalisations y sont pour quelques choses… Et qu’il faudrait “imposer des normes sociales et environnementales dans le commerce mondial” et “négocier un autre partage du temps de travail”.

Je suis Femme, je viens d’un pays où je suis libre de porter des minijupes et des talons hauts sans que cela ne soit répréhensible. Même si cette définition de la liberté me parait de plus en plus discutable, je m’indigne donc lorsque l’on me conseille de me couvrir les jambes qui, pour moi ne sont pas synonymes d’objets de désir ostentatoire. Mais je m’indigne aussi lorsque les hommes dans la rue me sifflent, me suivent ou me dévisagent, parce que je suis femme. Comme disait Simone de Beauvoir, « on ne naît pas femme, on le devient ». On en prend conscience quand cette féminité est mise à l’épreuve. La féminité est un construit social : ici on est femme, fragile, mère, reine, chez nous on est femme, indépendante, forte, sexy… les normes sociales de cette féminités sont différents d’un lieu à un autre.

Je suis Européenne, et je n’ai donc pas besoin du précieux visa Schengen pour circuler en Europe, je n’ai pas non plus de grandes difficultés à voyager en Egypte par exemple, alors que beaucoup de mes amis égyptiens ne verront peut-être jamais mon pays. La question de la libre circulation des personnes et de l’ouverture des frontières fait débat, et le rêve d’une citoyenneté mondiale pour lequel Stéphane Hessel se battait n’est pas encore réalisable.

Je suis Gourmande, et j’aime découvrir la gastronomie de mon pays hôte, déguster les merveilleux basboussa et molokheya dont peu ont le secret mais je m’indigne lorsque je vois les rayons des supermarchés inondés de produits fabriqués par des multinationales qui entretiennent un système d’exploitation et d’appauvrissement des pays du Sud. On parle de souveraineté alimentaire ou de «droit qu’ont les peuples à définir leurs propres politiques agricoles et alimentaires sans dumping vers les autres pays”, Via Campesina, Rome, 1996.

Je suis Curieuse de la vie et des gens, j’aime connaitre ceux qui m’entourent et leurs petites contrariétés. Mais je m’indigne contre un monde Big brother où chacun est fiché, suivi, surveillé, dans la rue ou sur internet, au supermarché ou au restaurant grâce à sa carte bleue, sa puce de téléphone, son compte Facebook, les caméras de surveillance…

Je suis Engagée, et je m’indigne donc des anecdotes que j’entends jusqu’ici, sur les “territoires palestiniens occupés” voisins de l’Egypte, racontées par de ceux qui les ont visités. Checks points, blocus de Gaza, mur de séparation et routes interdites, tout ce qui fait le lot quotidien de milliers de palestiniens est parvenu ici jusqu’à mes oreilles, alors que la situation est souvent mal connue en France. Stéphane Hessel était d’origines juive, rescapé des camps, il avait d’abord cru à la création de l’Etat d’Israël après la seconde Guerre Mondiale, avant de visiter ce pays sans Etat et de commencer à lutter contre l’occupation israélienne.

Voilà quelques unes de mes révoltes intérieures, inspirées par ce Grand Homme, et je suis fière de dire qu’il fut entre autres chose ambassadeur de France, ambassadeur des Nations Unis, et fervent défenseur des droits humains. Et vous pourquoi êtes-vous indignés?


Recherche prince charmant désespérément

Crédit photo : Pascaline
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L’Egypte a vécut des heures difficiles depuis la révolution, dont l’anniversaire a eu un goût de gaz lacrymogène qui nous pique encore les yeux. Alors que les journaux, TV et réseaux sociaux s’empressaient de relater les nouvelles et parfois les rumeurs, j’ai décidé de me poser des questions toutes autres, pour exorciser le sort et évacuer la pression ambiante. Et quoi de mieux que de parler des mœurs pour avoir l’esprit plus léger ! Car révolution ou non, la vie continue !

Je me jette donc à l’eau, pour aborder une question qui me taraude depuis mon arrivée en Egypte : celle des femmes en quêtes de mari, et des hommes à la recherche d’une femme ! Il y aura sans doute des points de vue différents entre les hommes et les femmes, mais je me suis intéressée à  la gente féminine, solidarité oblige.

Quelles sont les rêves des jeunes égyptiennes ? Quel est leur « homme idéal » ? Comment envisagent-elles les relations conjugales ? Comment se passe leur vie amoureuse ?

J’ai enquêté sur toutes ces questions, demandé l’avis des unes ou des autres, mais des mystères demeurent… Les jeunes égyptiennes d’aujourd’hui rêvent, comme beaucoup de jeunes femmes dans le monde en matière « congugale », de trouver l’amour. Rien d’extraordinaire dans ce constat plus ou moins universel. Mais le plus important ici, c’est qu’il sera le seul grand amour, celui avec qui elles se marieront, auront des enfants et finiront leur vie, Inchallah !

Le « seul» signifie que la plupart ne connaîtront pas d’autre homme dans leur vie, et pour être plus directe, dans leur lit. Bien sûr, il y a des exceptions, des parcours de vie qui les amèneront vers d’autres horizons, des non-dits aussi… Mais je parle ici d’un idéal de la société égyptienne, un exemple à suivre. Cet homme sera aussi le seul qui leur donnera le statut de femme mariée et responsable, et les émancipera du cocon familial. Tout ceci met beaucoup de pression sur les jeunes filles, afin de préparer leur avenir et son lot d’incertitudes.

Imaginez-vous, le jour de votre mariage, qui DOIT être le plus beau de votre vie, au côté d’un homme que vous ne connaissez qu’à travers les rendez-vous que vous avez eus ensemble autour d’un café en ville, ou devant la famille lorsque vous êtes fiancé. Votre intimité commence ici, avec cet homme. Imaginez la pression que vous avez, devant vos familles respectives qui ont dépensé beaucoup d’énergie et souvent beaucoup d’argent pour ce mariage. Il n’y a pas de doutes, cet homme doit être le bon !

Crédit photo : Pascaline
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Ces raisons expliquent toutes les précautions prises par les jeunes filles lorsqu’il s’agit de trouver un mari. Leurs critères de choix sont assez similaires des unes aux autres, d’après les témoignages que j’ai reçus. « Il doit être de bonne famille », m’expliquera une amie, car la jeune fille passera beaucoup de temps avec sa famille. « Il ne doit pas forcément avoir beaucoup d’argent, mais être bien éduqué, avoir de bonnes manières, un certain niveau d’études ». Une autre amie m’expliquera qu’« il doit être de la même classe sociale qu’elle » car pour répondre à tous ces critères, il n’y a que dans le même niveau social voire dans la même communauté qu’elle, que celle-ci trouvera quelqu’un qui lui correspond vraiment.

S’envolent ici nos idéaux de Walt DisneyCendrillon se marie avec le riche Prince et la Belle épouse la Bête. On ne vit pas dans le monde des Bisounours, on me l’a assez répété! Les codes sont ici bien loin de notre société où, en matière d’amour et dans bien d’autres domaines, on prend et on jette de plus en plus rapidement. Je me suis donc demandée comment se passe cette quête du Prince charmant.

Je me suis retrouvée dans un café des plus branchés d’Alexandrie, pour le brunch du samedi matin. J’y ai trouvé des jeunes gens plus séduisants les uns que les autres. Ils étaient venus nombreux, promener leur chien ou boire un café, entre amis ou connaissances d’école, où souvent les mariages se font.

Le manège était bien rôdé, et savoureux à regarder. Les jeunes gens faisaient mine de s’intéresser à l’animal de compagnie de leurs congénères, alors que c’était elles-mêmes qu’ils convoitaient. Plus besoin alors de s’encombrer de phrases toutes faites ou de chercher tant bien que mal un sujet de conversation pour se rapprocher de sa ou ses bien aimé-es. Mais le jeu était parfois compliqué, lorsque par exemple deux amies convoitaient sans scrupule le même garçon. Il y avait aussi la confrontation réelle après de longues conversations Facebook où chacun se dévoile un peu plus, un peu trop peut-être. Je demeurais pleine de questions, persuadée qu’il me manquait une pièce du puzzle pour pouvoir comprendre toute la scène.

Car j’étais ici dans un « monde » parmi d’autres, avec chacun leurs propres codes, leurs propres contradictions et leurs propres normes sociales. Ainsi, j’ai appris que le futur mari doit apporter un certain nombre de biens dans le futur foyer pour préparer la vie à deux. Mais ces apports seront proportionnels au niveau social, tout en étant toujours très onéreux pour les familles. Ainsi, pour les familles aisées, il faudra trouver un appartement cosy, dans un bon quartier ; il faudra aussi acheter une belle bague, si possible en diamant à la future épouse et payer une dote à ses parents (qui bien souvient vient payer la cérémonie). Alors que les familles plus populaires se contenteront d’apports plus modestes, faute de quoi leurs filles ne se marieront pas. Cela devient donc évident que seules les familles riches pourront répondre aux demandes les plus ambitieuses, et les familles les plus modestes auront même des difficultés à marier leurs enfants, faute de moyens.

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte de classes », écrivaient Marx & Engels  dans le Manifeste du parti communiste (1848) 

J’avais l’impression que les jeunes gens de mon âge étaient liés par un système de normes sociales qui conditionnait leurs choix. Ces normes étant elles-mêmes bousculées par la situation économique et politique du pays qui rend l’éducation difficile pour les plus modestes et qui fait s’accroître les écarts de revenus entre riches et pauvres.

J’avais beau vouloir me détourner de la réalité, elle me revenait en pleine figure. Pourtant, je ne cessais de penser, après avoir écouté les rêves de mes amies égyptiennes, qu’il demeure une part de poésie en chacun(e) de nous.

Crédit photo : Pascaline
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