Chronique d’un retour au pays natal
Hier soir j’ai vu l’Egypte à la télé française. Je me suis retrouvée pour la première fois spectatrice des événements qui étaient une de mes réalités depuis maintenant six mois. Hier, je suis rentrée au pays natal, j’ai pleuré à l’idée de partir, j’ai souri à l’idée de revoir la famille, les amis.
Les longs voyages nous donnent le temps de réaliser, de prendre un peu de recul sur les lieux, les gens, la vie que l’on quitte et celle que l’on va retrouver.
Hier j’ai pris conscience que chacun des mots que je diraient sur ce que j’ai vu, vécu et étendu là-bas serait important. Ils brosseront le tableau d’Alexandrie et de l’Egypte à ceux qui n’ont pas eu la chance de les découvrir. Ils viendront confirmer les stéréotypes sur la révolution, les manifestations ou encore les islamistes véhiculés par les médias, ou les infirmer. Il me tient à cœur de les déconstruire. L’aventure n’est pas terminée. Elle continuera dans la retranscription de tout ça. Car je garderais toujours une partie de moi dans la cité d’Alexandre et que les grands-écarts culturels engendrés par le voyage méritent que l’on s’y attarde. N’est-ce pas justement ce que l’on recherche?
Hier j’ai eu peur que l’on me me renvoie l’image d’un pays que j’ai appris à aimer ; une image qui serait très loin de la mienne et qui me ferait mal. Comme si tout ce que j’allais dire pouvait servir d’argument réquisitoire à l’encontre de tous les égyptiens. Peuple que l’on juge (et à qui on refuse les visas) au regard de l’action de se dirigeants ou des événements sporadiques qui font les grands titres ; ceux qui vous donnent l’impression que le pays est en guerre.
Hier j’ai eu peur de laisser ce pays et cette ville et de ne plus jamais les revoir comme avant. Les choses changent inévitablement. Je ne peux lire le futur et imaginer comment elles évolueront, ou comment je verrais l’Egypte dans les mois et les années à venir. Je n’arrive pas encore à me faire une idée, malgré après avoir posé la question à de nombreuses personnes là-bas.
J’ai aussi eu peur de la fuite en avant que je risquais pour éviter la confrontation du retour, le décalage ou encore les souvenirs trop loin de cette nouvelle réalité française.
Je me souviens avoir lu la dernière lettre d’Olivier Voisin, ce grand reporter de guerre tué en Syrie en février dernier par un tire d’obus. Je me souviens qu’il parlait de « cam » pour mettre un nom sur ce qui le poussait à aller au cœur des conflits les plus dangereux pour y poser des images et les rendre visibles aux yeux du monde. Certains ont des passions qui les poussent à repousser les limites, parfois même au péril de leur vie.
Le voyage peut-être considéré comme une addiction qui ouvre des portes mais remet aussi en question beaucoup de choses. Les « normes » d’ici ne sont pas celles d’ailleurs et il est important d’en prendre conscience pour réaliser la diversité de notre humanité. Beaucoup de chose nous restent encore à apprendre.
Mais hier je me suis posée à la terrasse d’un restaurant du plus ancien quartier de Marseille et j’ai eu l’impression d’être au cœur d’un roman de Marcel Pagnol. J’ai été rassurée car malgré les apparences des habits de fêtes qui visent à la transformer en une capitale d’élite et de prestige, Marseille n’avait pas changée. Dans un monde en mouvement, il y a des constances qui viennent apaiser nos angoisses.
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