Les « vieux sages » forment la jeunesse

Article : Les « vieux sages » forment la jeunesse
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Les « vieux sages » forment la jeunesse

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

Il y a un peu plus d’un mois de ça, j’étais à Siwa, une petite oasis de verdure en plein désert lybique. Je ne peux m’empêcher d’y repenser en regardant par la fenêtre de ma cabine ; dans le bateau qui aborde les côtes verdoyantes de la Casamance. Un enchaînement de nature se présente à moi, comme si je captais à vif des instants de vie pris au dépourvu. Je me sens tellement privilégiée, et en même temps presque gênée de regarder ça en spectatrice, tantôt consommatrice de cette aventure.

Je ne voudrais pourtant pour rien au monde revenir en arrière et n’avoir jamais vécu tout cela. Mais je me questionne, au delà du plaisir purement égoïste que ces voyages me procurent, de la jouissance de l’instant présent, que m’apportent-ils de plus ? Est-ce un but dans une vie que de voyager ? Est-ce une période que l’on doit vivre pour se construire, avant de s’établir, s’ancrer dans un port ? Ou bien est-ce encore mon formatage à la logique de projet (montage, déroulement, retours) qui me fait raisonner ainsi ? La culpabilité de m’éloigner de ce raisonnement en terme d’efficacité auquel je suis façonnée ?

Pourtant, il y a des moments où l’on doit lâcher prise face à cela. Notre esprit s’en accommode (très bien) naturellement. Mais lorsque les doutes nous assaillent, ce sont souvent les rencontres que l’on va faire qui nous permettent d’y voir plus clair.

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

En arpentant les petites rue ensablées de Ziguinchor, je suis tombée sur un panneau « Africa batik » devant une boutique, qui m’a donné l’impression que si j’entrais, je ferais ce genre de rencontre. Je ne me suis pas trompée. J’avais entendu parlé du bonhomme dans mon guide touristique, et j’avais presque abandonné mes recherches lorsque je l’ai trouvé. C’était une boutique de tissus batik, peints à la cire et trempés dans des bains colorés. Mais c’était aussi la maison d’un vieux sage qui avait connu l’exil depuis sa Guinée natale, et adorait compter son histoire. Il était d’ailleurs très fier de me dire qu’il avait été interviewé par TV5 Monde, Géo, Lonely Planet et tout un tas d’autres journalistes. Mais il aimait surtout parler du monde, de la politique, de la vie et de ses petites contrariétés.

Il m’a raconté comment il a commencé la fabrication et le commerce du batik en 1973, alors qu’il était arrivé à Dakar avec sa formation en mécanique des bateaux parce qu’on lui avait dit qu’il y aurait du travail là bas dans ce domaine. Il n’en a pas trouvé, mais il est resté, car il n’avait pas les moyens de repartir. Et après huit années de travail à Dakar, il est parti s’installer en Casamance, nouvellement associé à un français peu scrupuleux qui voulait sans doute profiter de son ingéniosité et de son savoir-faire.

Mamadou Cherif Diallo dans sa boutique. Crédit photo : Pascaline
Mamadou Cherif Diallo dans sa boutique. Crédit photo : Pascaline

Mamadou Chérif Diallo le comprendra très vite et fera finalement son chemin tout seul. Les affaires marcheront bien jusqu’au années 1990, quelques années après le début de la rébellion qui fera fuir les touristes et la principale source de revenus du commerçant. Mais aujourd’hui, il est toujours là, même s’il me dit qu’il rentrera un jour en Guinée. Il doit simplement préparer ça économiquement, en créant sans relâche, comme ce projet de marché artisanal à Cap skirring, là où se concentrent les masses touristiques de la région. En attendant, il refait le monde et illumine la journée des routards de passage, qui, comme moi, poussent la porte de sa boutique.

Je ne me souviens plus très bien de quoi nous avons parlé, même s’il m’avait prévenu que ce soit moi ou France inter, il dirait les même choses. Mais j’ai préféré laisser libre court à la conversation, et lui poser toutes les questions qui me taraudaient l’esprit, en oubliant mon interview.

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

J’ai juste gardé en tête une chose qu’il m’avait dit. C’est que ce sont les rencontres qui font les voyages et que si l’on veut vraiment que ceux-ci nous fassent grandir, on doit faire perdurer ces rencontres, car elles peuvent nous réserver de belles surprises.

Alors j’ai promis aux gens que j’ai rencontré ici de leur faire signe quand je repasserai, et de leur donner des nouvelles quand je rentrerai en France. Et je reviendrais, Inchallah !

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Commentaires

lucile
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bonjour pépito ,juste pour information cette maison AFRICA BATIK qui se trouve dans le quartier Santhiaba de ZIGUINCHOR appartient à ma grand mère maternelle qui lui loue la maison .

makhtar wade
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ce sont les rencontres qui font les voyages .cet article est vraiment intérressante pascaline .

pascaline
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Merci Makhtar! Lucile, c'est une belle coïncidence qui rend le moment encore plus unique! Sans parler de la dame qui, dans cette même maison, après m'avoir entendu discuter avec le monsieur, m'a demandé si j'avais le numéro de téléphone de Rama Yade!

Ouedraogo
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Je ne comprends pas quand tu dis que tu ne sais plus de quoi vous avez parle. lol. Mais ce serait interessant de savoir ce qu'il a deja dit a France Inter, TV5 et autres

nathyk
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Chouette l'expérience Pascaline. Reviens nous vite !

bouba68
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ça reveille, disons!

Said Benguit
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Bonjour pasqualine j'ai eu l'occasion de rencontrer ce monsieur et son fils moussa ..j'ai perdu leur coordonnées. ?.pourrai tu me les envoyer sur ma boite mail merci