Bon baisers de France
A l’heure ou le chassé croisé entre juillettistes et aoûtiens est la préoccupation essentielle de nos médias nationaux, je me suis demandées, justement ce qu’ils allaient chercher, tous ces touristes, dans notre beau pays, et surtout, ce qu’ils ne verraient jamais. Pour les novices, ceux qui partent en vacances en juillet sont appelés juillettistes, ceux qui partent en août, aoûtiens. Quant-à ceux qui ne partent pas, ils sont sans doute appelés pauvres et on ne parle pas d’eux à cette époque de l’année. Voici ma carte postale, un peu différente.
J’ai longtemps hésité avant de faire ce billet, et puis je suis tombée sur un article de notre madame Caraïbes de Mondoblog, sur le musée de l’histoire de l’immigration, à Paris. Dans les commentaires, Mylène posait la question suivante : « depuis quand ne peut-on pas critiquer le pays d’où l’on vient parce que l’on n’y habite pas ou plus, ou encore parce que l’autre veut nous dénier le droit de nous exprimer sur le sujet ? ». J’ai répondue à Mylène que cette critique était essentielle, parce que constructive, mais aussi très difficile lorsque l’on vit en France. Je pense qu’il est temps pour moi de m’essayer à cet exercice, en toute subjectivité.
Car si l’on dit souvent que le choc culturel lorsque l’on voyage est aussi grand au retour qu’au départ, je dois vous avouer que je suis encore en plein choc culturel. Mais celui-ci est particulier car on parle ici de ma propre culture. Drôle de sensation que de se sentir comme un étranger dans son propre pays. Je ne pensais pas qu’un voyage de sept mois pouvait m’apporter autant de recul sur mon pays. Pourtant, j’ai rencontré il y a peu, une amie française ayant quitté la France plus longtemps, et nos constats étaient proches. Je me suis donc dit qu’ils méritaient peut-être d’être dit. Je vais donc essayer de retracer mon parcours pour vous en donner un aperçu.
Jour 1 ou l’impasse logistique
On remonte donc trois mois en arrière, à ma déscentes de l’avion en provenance de Dakar, lorsque je rentre en France, éloignée depuis sept mois. Je recherche dans l’aéroport, une carte SIM pour mon téléphone Wiko flambant neuf (merci Mondoblog). Je demande à tous les bureaux de tabac de l’aéroport, sans succès. Il n’y a pas de carte SIM dans l’aéroport le plus grand de France ! Alors qu’il y en à sur tous les trottoirs de Dakar, dans toutes les boutiques d’Alexandrie, mais ici, rien ! Je finirais, bien plus tard, pas dénicher une carte prépayée à côté de la gare de Lyon, dans un taxiphone dont le gérant m’expliquera que, soit il y a ces cartes prépayées, à 10 euros, soit les cartes classiques Orange (et autres) à 20 euros, mais qu’il faut activer la ligne en appelant un numéro. Enfin, pour les cartes avec abonnements, il faut les commander par internet, et trouver un autre moyen de communication en attendant qu’elles arrivent.
Je m’installe donc au Mc Do de l’aéroport, où l’on peut trouver trouver le wifi pour le prix d’un Coca, pour entrer en contact avec mes proches. Je remettrais mes idéaux altermondialistes à plus tard. Puis vient le temps de les rejoindre. Je prendrais d’abord le métro parisien, je passerais tant bien que mal, avec ma grosses valise, les portiques installés pour éviter les fraudeurs qui, parfois, empêchent aussi de passer ceux qui ont payés (ou les assomment malencontreusement). J’irais donc chercher mon tickets dans une machine, et me rappellerais avec nostalgie les comptoirs des bus dakarois, ou l’on paie directement son trajet à l’intérieur.
Enfin il y aura le train, où je me suis dit que ça ne pouvait pas être plus compliqué qu’en Egypte. J’avais en effet dû passer par le marché noir pour dégoter des billets Louxor-Le Caire et les payer presque deux fois le prix normal. Ici, pour acheter un ticket, le plus simple est aussi de passer par une machine, ou par internet pour acheter son billet avec sa carte bancaire. Encore faut-il que celle-ci n’ai pas disparu dans une sombre histoire de sac volé… Sinon on fait la queue au guichet, et on attend que le panneau lumineux nous indique que c’est à notre tour. Mais si l’on veut bénéficier du meilleur tarif, on doit acheter une carte de réduction, si on y à droit, ou bénéficier de tarifs préférentiels en payant nos billets par internet. Autant vous dire que si l’on n’a pas accès à internet, on est sacrément embêté. Où bon pour aller à Mc do avec notre Wiko…
Mois 1 ou l’impasse administrative
Il y a aussi eu le parcours administratif que j’ai traversée. Il y a eu d’abord la cacophonie des assurances, car en France, si l’on n’est pas assuré, on doit sentir une épée de Damoclès au dessus de notre tête : assurance sociale, assurance responsabilité civile pour les plus indispensables qui nous prémuniront des sommes à payer en cas de maladie, ou de dommages causés à autrui. Comme si je pouvais faire du mal à une mouche… Mais on doit avoir une assurance maladie (obligatoire) et une mutuelle (facultative) pour payer les sommes liées à notre santé que la première ne remboursera pas. Cependant, on ne peut pas prétendre à cette mutuelle, si la première assurance n’est pas en règle. Si l’on est sans logement et sans voiture, cela nous épargne au moins l’assurance voiture et l’assurance habitation.
Comment alors faire comprendre à mes interlocuteurs que je n’ai pas vraiment d’adresse fixe, car pas de travail mais qu’il me faut quand même une couverture sociale car justement je ne suis pas riche et donc pas en mesure de payer les frais d’hôpital en cas de problème. Peu importe, ceux qui sont déjà venues en France où qui y vivent doivent le savoir, la procédure est la procédure, et on peut difficilement y déroger, même à Marseille, ville réputée pour son système D et son économie parallèle. On prend son ticket, on attends pendant des heures. Les vigiles à la sortie, veillent à ce que personne ne s’énervent, ne « pète un câble » dans ce labyrinthe administratif où la situation de certains est parfois bien plus grave que la mienne. Triste rendez-vous citoyen. Au guichet, on me demande de prendre un autre ticket pour une autre file d’attente, et j’attends encore… pour finalement voir quelqu’un m’expliquer que je dois envoyer un dossier complet par la poste, et qu’ensuite, il sera traité, dans un délais d’environ un mois.
Il y a aussi l’inscription au chômage, qui doit se faire par téléphone. Donc si vous vous présentez en personne, pour savoir comment procéder, la personne au guichet de Pôle emploi, vous indiquera le téléphone au fond de la salle pour « prendre votre premier rendez-vous », ce qui signifie tout simplement que vous devrez repasser plus tard, lorsque vous aurez reçu la convocation à l’entretien-pris-par-téléphone. Vous me suivez ?! Et si, par malheur, une fois inscrits, vous repasser demander un conseil,vous vous entendrez dire que vous êtes trop qualifiée pour bénéficier d’un contrat aidé, et pas assez précaire pour avoir une aide à la recherche d’emploi. Pourtant, lorsque je cherche justement un emploi, on me dit souvent que je ne suis pas assez expérimentée, ou trop jeune… Je ne comprend donc plus trop ce que je suis de trop ou de pas assez… !?!
Trimestre 1 ou l’impasse économique
Autre caractéristique de mon cher pays et de ma ville si l’on n’a pas d’argent : les moultes attraits de la vieille France et de Marseille, ses visites de monuments, ses ballades en bateaux, ses sardines et sa bouillabaisse, s’avèrent hors de prix et réservés aux touristes aisés qui débarquent en ce moment sur le vieux port, à l’heure de la Capitale Européenne de la culture. Pour ceux, qui vivent hors du tableau idyllique dressé pour l’occasion, il ne reste plus beaucoup d’options pour remplir les journées, en ce mois d’août ou même les chômeurs doivent prendre des vacances, contrains et forcés : aller à la plage, car elle est encore gratuite, au parc ou chez des amis. Les jolis cafés et restaurants français, que l’on en retrouve dans les films de Woody Allen, tellement charmants-et clichés- sont hors de portée. Les bancs publics, où l’on voit parfois l’héroïne s’asseoir un livre à la main, ont presque tous disparus. L’heure est à la marchandisation, et chaque espace de nos charmantes villes doit être rentabilisé par des activités génératrices de revenus. Et, si la misère est moins pénible au soleil, c’est quand même mieux si elle est le plus loin possible de nos yeux sensibles. Marseille à longtemps fait exception à la règle, populaire, inclassable, ingérable et insoumise, mais elle se fait rattraper doucement par la dure lois de l’investissement économique et nous avec.
Je me suis alors demandée, que diraient nos grand-parents, dans ce monde où je me sens déjà dépassée du haut de mes 25 ans…
Bon été au pays ou loin…
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