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Un chocolat chaud avec…« Sinath l’africaine »

Sinath à Grenoble. Crédit photo : Pascaline
Sinath à Grenoble. Crédit photo : Pascaline

Pendant les périodes de fêtes, on nous parle souvent de traditions : la tradition du sapin, la tradition de la bûche (celle que l’on mange et non celle que l’on brûle), la tradition du nouvel an… C’est donc la période idéal pour perpétuer une autre tradition de Mondoblog, les interviews de Mondoblogueurs-ses. Et comme c’est la fin de l’année, j’en profite pour remettre les compteurs à zéro, et tenter tant bien que mal d’achever l’inachevé, de me mettre à jour après une année de procrastination, pour en recommencer une nouvelle ! Il me tenait donc à cœur de vous présenter le parcours, les rêves et les projets d’une jeune mondoblogueuse, qui a croisé plusieurs fois ma route depuis Dakar, et qui m’a permis de la découvrir un peu plus lors d’un passage à Grenoble, où elle m’a ouvert les portes de sa nouvelle maison. C’est la petite gourmandise de fin d’année que je vous offre.

 Femme geek

Si j’avais du résumer ce que je connaissais de Sinath en un seul mot à la sortie de la formation à Dakar, j’aurais sans doute dit « GEEK », en l’imaginant, chétive et silencieuse, scotchée derrière son ordinateur aux couleurs d’Hello Kitty. Mais aujourd’hui, je crois que je suis en mesure d’aller au delà de cette image, et de vous en dire un peu plus… 

Sinath à Dakar qui regarde discrètement son smartphone! Crédit photo : Serge Katembera
Sinath à Dakar qui regarde discrètement son smartphone! Crédit photo : Serge Katembera

De son vrai nom Sinatou Saka est depuis cette année, étudiante à Grenoble en Master recherche « Etudes information et communication » dont l’objectif est d’étudier les enjeux de l’information aujourd’hui, dans un monde numérique et de prendre beaucoup de distance par rapport au journalisme, à l’information qui circule, à internet. Elle se définit elle-même comme une « passionnée de journalisme depuis toujours » au cas ou vous ne le saviez pas encore !

 Femme engagée

Mais Sinath a aussi plusieurs cordes à son arc, et son activité Facebook intense masque en faite une participation à de nombreux projets dédiés notamment à l’Afrique en général, et aux femmes africaines en particulier. C’est cet engagement qui m’a particulièrement touché, et son regard sur le monde qui l’entoure, criant de lucidité mais, toujours à la recherche d’explications.

Sinath est membre de plusieurs communautés sur internet et active dans divers projets, dont voici quelques exemples :

Global voice, qui est « un peu le courrier international des réseaux sociaux »

Women and africa, la plateforme positive pour les femmes et l’Afrique

Afrikarchi, qui est le magazine en ligne de l’association du même nom, qui promeut une architecture réalisée avec des matériaux africains, notamment auprès des jeunes architectes.

Maïsha TV, qui est une chaîne de télévision dédiée à la femme africaine

Young beninese leader, qui sensibilise les jeunes filles aux questions de santé reproductive et qui organise la Journée mondiale de la jeune fille.

Avenue 229, une plateforme de blogueurs dont l’objectif est d’initier des personnes à l’informatique et les amener à faire du journalisme citoyen qui n’est pas forcement revendicateur, mais de donner la parole à des « sans voix ».

En 2013, elle a été sélectionné par l’Organisation Internationale de la Francophonie avec 9 autres femmes leaders pour participer à l’exposition francophonie au féminin inaugurée le 20 mars par Abdou Diouf et faisant le tour du monde aujourd’hui.

Sinath à Dakar. Crédit photo : Serge Katembera
Sinath à Dakar. Crédit photo : Serge Katembera

 Femme studieuse

L’envie d’apprendre d’avantage l’a amenée jusqu’en France, où elle a réalisé la différence de moyens mis en œuvre dans l’éducation, par rapport à un système qui tente de se construire au Bénin. Elle y déplore un manque d’accompagnement dans l’orientation des lycéens, des amphi des universités pleins à craquer et des écoles privées qui font ce qu’elles peuvent. Mais aussi et surtout des moyens et un environnement qui rendent les études plus difficiles : la bibliothèque, la quantité et la disponibilité des livres, leur qualité… Ces problématiques, elle les explique peut-être par le fait, qu’à côté du problème crucial que représente l’éducation, il y a aussi le problème de la pauvreté, de la santé… « donc on ne peux pas tout faire ! »

 Femme pragmatique

Sinath est reconnaissante des soutiens dont elle a bénéficié ici de près ou de loin, indispensables selon elle, dans un environnement à cent à l’heure. Être accompagné par des personnes présentes dans la découverte d’un nouveau pays, lorsque l’on doit prendre ses marques, est important selon elle.

On discutera longuement, sur les différences entre le Bénin et la France, les conditions de vie, le niveau de vie, les infrastructures, l’environnement. On débattra sur le prix de la pizza, comme indicateur du niveau de vie d’un pays ou d’une population. Ainsi, une pizza à 10 euros me dit Sinath, « ça fait 6000 Francs chez moi, c’est énorme alors que ce n’est pas cher pour toi ! » Pourtant, je réfute son argument en lui disant que dans ma ville, Marseille, on trouve des pizzas à 5 euros, donc 10 euros pour moi c’est cher !

Ce débat illustre parfaitement la différence de perception que l’on peut avoir d’un endroit à l’autre, sur le coût de la vie, en fonction de notre niveau de vie et de notre pouvoir d’achat, qui sont fluctuants.

Femme charismatique

Au fil de l’interview, nous arrivons vers des questions qui m’interpellent autant qu’elle, et nous cheminons vers une réflexion commune sur le « vivre ensemble », pour reprendre cette expression four-tout qui fût l’alibi de mesures politiques discutables et discutées.

Lorsque j’interroge mon amie sur les points négatifs de son séjour en France, elle me répond :

 «De la même façon qu’il y a des gens super ici, il y a aussi des gens pas très cordiaux ; des gens qui te regardent de haut, par exemple, c’est peut être ma qualité d’étrangère. C’est peut être dans ma tête aussi ! Mais des regards qui te déplaisent un tout petit peu, qui disent : nous on est les plus forts, vous vous êtes des noirs. Je ne sais pas si c’est le fait que je sois noire mais je sais qu’il y a des gens qui me regardent bizarrement ! Je n’ai pas pris longtemps pour m’imposer, mais je pense que plusieurs personnes n’ont pas ce charisme pour le faire. »

 Pourtant, loin de se laisser impressionner, Sinath fait confiance à son charisme pour dépasser ces difficultés : « Je suis consciente de ce que je suis, et le reste je m’en contrefous ! » me dit-elle avec aplomb ! Avant d’ajouter « Je suis tellement de forte personnalité que je doute que quelqu’un ose s’acharner sur moi ! »

Sinath refuse toutefois de mettre tout le monde dans le même panier, et cherche des explications aux comportements qu’elle a pu rencontrer depuis son arrivée en France, qui l’ont questionnée, dérangée, voir indignée. « j’essaie de justifier l’injustifiable ! » me dit-elle. Le sentiment d’être souvent considérée en premier lieu comme une personne étrangère revient dans le discours de Sinath, voire comme une personne noire, masquant ou ignorant tous les autres aspects de son identité, de son parcours, de son « moi », provoquant à la fois réflexion et interrogation, circonspection et indignation…

 Femme africaine

Ainsi, à la difficulté de communication entre « étrangers » et « français » mon amie trouve une explication dans l’ignorance et la méconnaissance mutuelle.

« On a, l’habitude de rester entre nous, nous aussi on a peur d’aller vers les autres : je pense qu’il y a des personnes qui ne connaissent pas l’Afrique et qui aimeraient venir vers nous mais qui ont peur, comme on a autant de réticence à aller vers elles, du coup chacun est de son coté. Une fille m’a raconté qu’elle était curieuse de découvrir ce qu’on vivait en réalité, qu’elle ne croit pas ce que les médias diffusent et c’est son objectif de le découvrir car elle pense que forcément je me balade avec un peu d’Afrique en moi. »

Cette idée est intéressante, mais elle fait surgir une nouvelle question que je pose à Sinath : « Est ce que pour aller vers toi on est obligé d’être passionnée ou même intéressée par l’Afrique ? »

« Non car avant d’être africaine je suis une personne ! Ce n’est pas ça être ouvert, c’est être intéressé, mais c’est une démarche à encourager. »

 Dans le cheminement de notre pensée, nous arrivons toutes deux progressivement à la question de l’intégration.

« Je pense que je me suis progressivement imposée» me dit Sinath, « Je ne me suis pas intégrée, et je ne pense pas que je vais m’intégrer : comme j’aime le dire, ce n’est pas à moi de m’intégrer, c’est à la France de m’accepter comme je suis ! »

Faire ses preuves, préjugés, racisme, les mots sont lancés. Devenus incontournables lorsque l’on évoque les difficultés en arrivant en France, fatigants, vexants, honteux, mais pourtant redondants.

Notre jeune blogueuse pense que tous les étrangers, spécialement les africains, qui viennent en France s’attendent inconsciemment à être considéré différemment voire inférieurs car ils savent ce que diffusent les médias de l’Afrique. « Inconsciemment on a tous des préjugés sur telle ou telle communauté ». Elle croit que lorsque l’on travaille avec les gens, que l’on a un projet en commun et que l’on est mis à égalité, il n’y a pas de problème, car on sait ce que vaut la personne en face de nous.

Et si Sinath me dit qu’elle doit souvent faire ses preuves pour dépasser les idées reçues, je suis persuadée que moi aussi je dois faire cet effort de déconstruire ces images. Nous en concluons donc sur le fait que chacun à son rôle à jouer. Et nous terminons de siroter notre chocolat, heureuses d’avoir pu trouver une issue à notre discussion.

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Le long chemin des harragas vers la « liberté »

19216345Aujourd’hui, c’est la Journée internationale des migrants. Aujourd’hui, c’est aussi le jour de sortie en France du film adapté de la biographie de Mandela « Un long chemin vers la liberté ». Aujourd’hui, c’est enfin le jour que j’ai choisi pour vous parler d’un film qui m’a marqué, lors des rencontres « Nouvelle jeunesse algérienne » organisées les 22 et 23 novembre par la ville du Kremlin-Bicêtre. Était alors diffusé Harragas  (les brûleurs en arabe), de Merzak Allouache.

Ce titre est volontairement ironique quant au sujet qui suit. Vous allez me dire, on ne rigole pas lorsque l’on parle d’immigration clandestine, car souvent il y a derrière ce terme des histoires de vie douloureuses. Pourtant le réalisateur a réussi à nous faire sourire souvent, rire parfois. Je vous livre ici mes impressions, notées à la sortie de la salle, il y a quelques semaines de cela…

Des films sur les « boat people » il y en a eu d’autres… Mais je ne les ai pas vus. « Trop durs, trop violents » pour la petite nature que je suis, qui ne supporte aucune forme de violence trop « vraisemblable » et sans effets spéciaux au cinéma. Syndrome d’un malaise qui frappe toute la société vis-à-vis d’un phénomène qui ne peut être expliqué par ce terme de « boat people », trop romancé, qui donne l’illusion que l’on parle de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. La découverte d’un « Nouveau Monde » est peut-être le seul point commun avec l’histoire que je vais vous conter.

Je l’ai vu malgré moi. Ou plutôt, je ne savais pas vraiment a quoi m’attendre quand je me suis assise devant l’écran. La première scène où l’on voit les pieds d’un pendu se balancer au-dessus du vide nous laisse deviner la gravité des propos qui vont suivre. Mais il est trop tard, impossible de reculer. Il va bien falloir les affronter, comme il faudra à ma société affronter la question de l’immigration clandestine.

Harragas n’est pourtant pas uniquement un film dramatique qui dépeint une réalité qui l’est plus encore. C’est avant cela un film qui nous fait rire, qui nous transporte avec ses personnages dans leur aventure à la conquête de leur vie et de leur liberté. Liberté vis-à-vis d’une société algérienne qui semble ne pas les comprendre, ou ne pas les entendre. Une société malade qu’ils veulent quitter quel qu’en soit le prix à payer, par ce que « rester serait mourir », alors il y en a qui meurent et d’autres qui partent.

Pour aller retrouver quoi ? On se pose la question tout au long du film, mais eux, Rachid, Nasser dit le beau gosse et sa bien-aimée Imène, mais aussi les bédouins, le barbu et le flic déserteur, ils ne se la posent qu’en voyant arriver les côtes espagnoles, l’Eldorado, la terre promise. Certains n’iront pas jusque-là. Mais tous essayeront jusqu’au bout, jusqu’au prix de leur vie. Tous ces personnages motivés par différentes raisons, plus ou moins sombres, mais qui se retrouvent, comme ils le disent, « les ploucs et les fils à papa » dans la même galère sur le bateau qui les mènera en Espagne, inchallah. Une fois embarqués, ils ne peuvent que s’en remettre à Dieu, car il leur est impossible de faire demi-tour.

Harragas c’est un portait (subjectif) d’une jeunesse algérienne téméraire et inventive, décalée par rapport à son pays en pleine contradiction. Ce pays que je ne connais qu’à travers les récits de ceux qui sont passés de l’autre côté du miroir. Un regard inévitablement biaisé, car lorsque l’on regarde d’une rive à l’autre, on n’aperçoit pas la même côte. Et lorsque l’entre-deux qu’est la mer Méditerranée devient de plus en plus infranchissable, les regards vers l’autre rive sont sans doute encore plus fantasmés.

Mais l’important n’est-il pas de chercher à faire tomber ces mythes comme l’on voudrait faire tomber ces barrières invisibles, mais pas invincibles, insidieuses et humiliantes ?

C’est ici, à mes yeux que les artistes, écrivains, citoyens, ont les moyens d’agir. D’investir tous les espaces de liberté, aussi minimes soient-ils pour venir inviter leurs lecteurs, spectateurs ou auditeurs à s’interroger, et à venir questionner avec eux la réalité qui est la leur, à un moment donné.

Merzak Allouache nous l’a dit au début du film, les retours qu’il a eus de ce film et les problèmes qui s’en sont suivi ont totalement changé sa manière de faire du cinéma depuis  Harragas . C’est pour moi le signe qu’il a pleinement investi son rôle d’artiste, qu’il a défendu un point de vue, contestable et contesté, mais c’est ce qui lui donne toute sa valeur. Il a interrogé  la société algérienne sur les raisons pour lesquelles les jeunes voulaient la quitter, comme il a interrogé la société « Schengen » sur les raisons de son rejet et sa violence infligés à ces jeunes alors qu’ils n’avaient pas encore mis un pied sur son sol. Et il nous a interrogés nous, spectateurs, sur notre position, sur nos émotions et sur nos perceptions de l’immigration.

Et c’est à mes yeux le plus important afin que l’on demeure « des Hommes qui interrogent » comme le disait Frantz Fanon. Car c’est peut-être ici notre quête de liberté….

 


Semaine de la solidarité internationale : quand la jeunesse algérienne se dessine

Vendredi 22 et samedi 23 novembre, à l’occasion de la Semaine de la solidarité internationale, la ville du Kremlin-Bicêtre organisait deux journées consacrées à la « Nouvelle jeunesse algérienne » à la médiathèque l’Echo. Je foulais pour la seconde fois le sol du Kremlin-Bicêtre et partais en « mission » à la rencontre de cette jeunesse afin de la percer à jour.

Crédit image : l'Andalou https://www.andaloussy.com/
Crédit image : l’Andalou https://www.andaloussy.com

De l’Algérie imaginaire…

Pousser les portes de la médiathèque, c’était un peu comme ouvrir un album de bande dessinée, partir à la rencontre d’une Algérie imaginaire. Une Algérie qui est présente dans nos esprits, mais que l’on connaît finalement si peu. Avant d’entrer, ma connaissance du pays se résumait à peu de choses : son aéroport international, que j’ai exploré dans les moindres détails lors d’une interminable escale en partance pour Dakar, sa compagnie aérienne qui m’a plongée un peu dans l’ambiance du « bled » dès l’arrivée au comptoir, où les vieux « chibanis » tentaient de se frayer un chemin dans la file d’attente approximative, et culinairement parlant, sa chorba et ses galettes Kesra du marché de Noailles à Marseille, la ville surnommée aussi « le petit Alger ». J’allais oublier l’écrivain Yasmina Khadra qui a récemment fait parler de lui pour sa candidature à la présidentielle prochaine et Idir, le chanteur kabyle qui collabore avec les chanteurs marseillais. J’en ai conscience, tout cela est un peu réducteur et très caricatural, mais après tout, rien de mieux qu’une caricature pour introduire un article sur les dessinateurs et artistes algériens en tous genres.

Il était donc grand temps pour moi d’aller rencontrer ceux qui font l’Algérie d’aujourd’hui pour m’en faire une idée plus précise. Et les rencontrer, c’était d’abord rencontrer leurs œuvres, pour s’inviter un peu dans leur monde, qui nous en dit un peu plus sur leur pays…

Crédit image : l'Andalou https://www.andaloussy.com/
Crédit image : l’Andalou https://www.andaloussy.com/

…Aux pays imaginaires

 Je me suis donc d’abord immiscée dans le monde d’Ifaz Matoub, réalisateur et producteur de films d’animation qui est aussi le directeur artistique du Festival international de la bande dessinée d’Alger (FIBDA). Il se définit lui même comme un autodidacte, qui dessinait à l’école pendant que les profs parlaient ! Ce qui lui a plutôt bien réussi. Pour lui, le plus important est que « ses courts métrages vivent et soient diffusés », qu’ils se confrontent au public. C’était donc ici une belle occasion, et pour voir si la confrontation était réussie, je suis allée interviewer la jeune Rania, 10 ans, qui était dans la salle avec un ami lors de la projection des trois courts métrages « Trésors d’une autre planète », « Zim et Zam » et « Soussou ». Rania a bien aimé les films, car « ils ne sont pas comme les dessins animés français, avec un seul personnage, ils changent, il y a des extra-terrestres, des humains, des animaux… »

Le monde d’Ifaz Matoub est donc composé de multiples espèces qui cohabitent, se découvrent et se confrontent. Il est aussi composé de langues multiples : arabe littéraire, dialecte algérien et kabyle sont autant de moyens de faire parler ses personnages. Mais que ce soit par les expressions des personnages, les sous-titres ou encore des notions d’arabe, le public aux origines diverses aura compris l’essentiel de l’histoire. Ainsi, comme Rania me l’explique, elle est « moitié algérienne, moitié marocaine » et parle donc arabe avec la famille de sa mère et comprend mieux que moi les joutes verbales des personnages. Ma3lesh ! C’est peut-être une occasion de nous montrer à tous, que le multilinguisme est un atout trop peu souvent valorisé en France.

Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com/
Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com/

Du monde des dessins animés qui ont pris une dimension supplémentaire depuis le temps (pas si lointain!) où je les regardais, je suis revenue dans la deuxième dimension avec la bande dessinée et le dessin de presse.

Jeunesse marquée, jeunesse douée

J’entrais alors dans les univers de Nawel Louerrad et de l’Andalou, deux jeunes dessinateurs et auteurs de BD qui sont venus nous parler « des cases et des bulles, quand l’Algérie se dessine ». Une jeunesse qui n’a pas sa langue dans sa poche, comme nous l’a expliqué Dalila Nadjmen, commissaire du FIBDA et éditrice (édition Dalimen), qui pense qu’il est « temps pour les jeunes qu’ils s’expriment ». Le FIBDA leur donne cette opportunité en les invitant à venir exercer leur art ou s’y initier. J’ai ainsi appris avec leurs dessins que la BD pouvait être une manière ludique de revisiter les manuels d’histoire poussiéreux et souvent incomplets.

Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com/
Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com/

J’ai remarqué un rapport à l’histoire (récente ou plus ancienne) présent dans les travaux de ces artistes, celle de l’indépendance, mais aussi celle de l’Andalousie berbéro-arabo-musulmane, à l’époque de la renaissance de l’Occident en 1492 à laquelle fait référence l’Andalou. Alors que cette histoire algérienne et l’histoire européenne sont inéluctablement liées, tant par l’immigration que par les conquêtes coloniales, je perçois ici encore l’intérêt de se pencher sur ce qui se passe de l’autre côté de la Méditerranée, ce qui se crée, ce qui se vit, ce qui se rêve aussi.

Car, ne vous y méprenez pas, les rêves des jeunes algériens ne se limitent pas à la France. Ainsi, l’Andalou base son art sur le côté burlesque des Algériens qu’il met en scène avec humour. Il veut montrer une autre Algérie, celle d’une jeunesse qui n’a pas vécu la guerre d’Algérie et qui est passée à autre chose, depuis cette guerre commune qu’il a dépeinte une fois pour toutes et à sa façon dans le « Burnous de David ». Une Algérie où les élites intellectuelles du pays parlent et s’intéressent plus au français qu’à l’arabe, mais aussi où l’anglais  est en passe de détrôner le français. Un signe des temps ?

Crédit image : l'Andalou https://www.andaloussy.com/
Crédit image : l’Andalou https://www.andaloussy.com/

L’année 2012 marquait le cinquantenaire de l’indépendance, et Nawel Louerrad nous explique qu’elle a engendré une « obsession identitaire » qui selon elle est un danger, alors que l’on peut vivre sans s’en inquiéter et dans d’autres bulles. A ces propos, je m’interroge, cet anniversaire a-t’il soulevé autant de questions dans mon pays ? Avons-nous profité de cette date pour nous interroger sur notre histoire, nos identités (fussent-elles meurtrières) ?

Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com
Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com

J’ai parlé plus haut de la richesse de la diversité linguistique, si en France, nous n’en avons pas encore pris conscience, nos invités en mesurent eux, toute la richesse dans leur pays. On le remarque dans les œuvres de ces jeunes artistes qui alternent aisément entre français, arabe littéraire et arabe dialectal en fonction du public qu’ils veulent toucher.

C’est dans ce souci d‘enrichissement culturel et linguistique que la médiathèque l’Echo à inauguré un fond de littérature jeunesse en langue arabe.

Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com
Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com

« Si celui dont j’étudie la langue ne respecte pas la mienne, parler sa langue cesse d’être un geste d’ouverture, il devient un acte d’allégeance et de soumission » Amin Maalouf, Les identités meurtrières, 1998.

L’histoire et l’héritage linguistique de cette jeunesse algérienne ont ainsi façonné son nouveau visage, et sa créativité. Mais les nouvelles technologies lui ont permis de l’exprimer, la rendre visible et/ou de la libérer.

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Crédit image : l’Andalou https://www.andaloussy.com/

Jeunesse connectée, jeunesse engagée

La table ronde sur « l’E-jeunesse un autre visage de l ‘Algérie » et l’enregistrement de l’émission l’Atelier des médias de RFI, m’a donné a voir une jeunesse algérienne connectée, qui utilise internet comme une porte ouverte. Une ouverture sur un monde où la censure est plus difficile, où le poids des traditions comme les regards se font moins pesants, où des espaces de débat sont ouverts, des espaces de mixité aussi. Pour le blogueur et activiste Abdou Bendjoudi, les nouveaux médias sociaux sont un moyen d’investir de nouvelles formes d’engagement politique, sur lesquels les politiciens n’auraient pas d’emprise. Selon lui, Facebook remplace en Algérie des espaces publics qui sont physiquement inaccessibles.

Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com
Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com

Internet créé des espaces de dialogues virtuels auxquels la jeunesse n’a pas accès autrement. Pour Yasmine Bouchène, entrepreneuse créatrice des sites Vinyculture et Jam-Mag, l’objectif est de faire sortir les gens de chez eux et de parler des événements culturels qui se passent à Alger, et des jeunes artistes algériens. Elle insiste sur le fait que la jeunesse algérienne est présente sur Internet mais pas seulement, ceci n’est qu’un support pour investir la rue, faire émerger des initiatives. Cette capacité à toucher les jeunes et à les impliquer dans des échanges qui vont au-delà de ce qui s’apparente à de la drague sur Internet, est soulignée par Adlène Meddi, le rédacteur en chef d’El Watan Week-end. Pourtant, selon lui, la presse écrite a encore une place importante dans la société algérienne, car moins instrumentalisée par la propagande étatique que la TV et la radio et moins soumise aux aléas de la connexion internet.

Lorsque l’on parle de réseaux sociaux et de leur usage politique, on ne peut toutefois éviter la comparaison avec les « printemps arabes » qui ont touché les pays « voisins » en 2011.

Crédit image : l'Andalou https://www.andaloussy.com/
Crédit image : l’Andalou https://www.andaloussy.com/

Adlène Meddi se prête au jeu pour la millième fois, comme il me le dit avec le sourire. Car il trouve que la question de cette non-révolution est normale, puisque des émeutes avaient éclaté avant février 2011 et qu’il y a eu un certain nombre de  personnes qui se sont immolées par le feu. Pour lui, la réponse se trouve dans l’identification de « l’ennemi à abattre » qui est très difficile en Algérie. Il m’explique que la corruption rend les contours du tableau flous, entre pouvoir et société civile, puisqu’une partie de celle-ci a été « achetée » par le pouvoir. Par ailleurs le contexte historique qui a instauré la lutte antiterroriste a donné des moyens importants à l’armée et aux services secrets, alors que le régime révolutionnaire est aussi très difficile à contester.

Après ce tour d’horizon, j’ai donc perçu une Algérie d’aujourd’hui pas totalement détachée de l’Algérie d’hier, et les remous de son histoire récente se font encore sentir dans le discours et les actions d’une jeunesse qui n’aspire qu’à s’exprimer, par tous les moyens possibles. Une jeunesse qui use et abuse de sa créativité pour « créer de l’empathie avec un personnage ou une situation pour faire comprendre des choses ». Une jeunesse aussi consciente de la censure et des grands tabous religieux et qui a appris à jouer avec.

La jeunesse algérienne que j’ai rencontrée m’a donné à voir un autre visage de l’Algérie que cette caricature que je vous ai d’abord dépeinte. Une vision faite de gros traits sans aucun doute, mais qui m’a surtout donné envie d’aller creuser plus loin, de l’autre côté de cette Méditerranée mère de bien des maux, pour venir les affiner.

Dans le prochain article, je vous inviterai donc à la traverser…

 

 


Regards croisés sur l’immigration

Le drame de Lampedusa en a beaucoup interpellé  à travers le monde notamment les mondoblogueuses qui ont ainsi décidé de mettre en commun les expériences et les plumes pour parler de cette « immigration » sur plusieurs angles, vue de leurs pays :  avec Marine Fargetton, bloggeuse dessinatrice et Pascaline de France, Faty du Mali (pas Fatou la malienne, ce film que je n’ai pas aimé du tout !) et Danielle Ibohn et Josiane Kouagheu pour le Cameroun.

  1. Marine Forgetton illustre tout l’éventail d’émotions qu’éprouvent les parents des immigrés
    L'immigration vue d'Afrique.
    L’immigration vue d’Afrique.

  2. L’immigration ne serait-elle pas une histoire sans fin ? question introductive de Pascaline Breuil, mondoblogueuse de la 2e saison qui était ancienne expatriée en Egypte.Telle est ma question lorsque je regarde mon pays, et ma ville, Marseille dont on dit un temps qu’elle fût porte de l’Afrique, construite par l’immigration. La porte semble aujourd’hui fermée, ou à sens unique. Et comment peut-on, dans ce contexte, imaginer une mer Méditerranée qui serait « notre mer » (mare nostrum) à tous ? Une mère est-elle capable de laisser mourir ses enfants ?…Du côté de cette mer où je vis désormais, l’immigration, c’est l’immigration choisie dont parle Fatou Diome, dans son livre Celles qui attendent (Flammarion, 2010) :«Qui choisit ? Comment ? Et pourquoi faire ? Répondre à ces questions […] c’est jeter une lumière crue sur les rapports Nord/Sud de notre époque. »Mon expérience de l’immigration, c’est cette mère de famille malade et menacée d’expulsion que j’ai rencontrée . Il y a deux ans de cela. Un groupe de soutien s’était  formé, épaulé par le Réseau éducation sans frontières, qui se bat pour la régularisation des enfants sans papiers scolarisés et de leurs familles, et qui lutte contre les lois « injustes et intolérables ».L’immigration pour moi, c’est aussi cette étudiante chinoise, que j’ai connue un peu plus tard. Elle venait d’obtenir son diplôme, mais continuait de s’inscrire à l’université pour pouvoir rester en France, travailler pour une entreprise dans un stage qui n’avait que le nom et le «tarif». Elle vivait à Paris, mais avait fait sa demande de renouvellement à Marseille car les délais d’attente étaient moins longs et son dernier visa d’étude allait expirer. C’était à l’époque où le changement de statut entre visa étudiant et visa de travail avait été rendu plus difficile par la circulaire Guéant, du nom du ministre de l’Intérieur de cette époque peu glorieuse.

    L’immigration pour moi, c’est aussi cette homme arménien, qui au travail m’avait appelée paniqué, car on lui demandait 200 euros de timbres fiscaux pour renouveler sa carte de séjour. « Vous devez faire erreur sur la somme Monsieur ce n’est pas possible !» lui avais-je répondue, naïvement, avant de constater que c’était effectivement la somme demandée pour une demande de carte de séjour de 10 ans et de me raviser.

    L’immigration pour moi, c’est enfin cette amie d’origine algérienne, pourtant française à qui l’on demande régulièrement d’où elle vient, comme si elle descendait de l’avion à chaque instant. C’est cette autre amie américaine, sans statut et donc sans droit de travail en France, car  il y a 7 ans son dossier de demande de visa a été « égaré ». Aujourd’hui, rien ne prouve cette demande et son séjour en France depuis cette date. Mes exemples sont si nombreux. Car l’immigration ce n’est pas ma vie et ce n’est pas mon expérience, pourtant c’est celle de mes proches, mes copains, mes voisins aussi. Comment pourrais-je ne pas m’y intéresser ?

    L’immigration à Marseille, je la croise tous les jours dans mon immeuble, qu’elle soit de première, deuxième ou troisième génération. Qu’elle soit ici pour étudier ou pour travailler. Qu’elle soit algérienne, tunisienne, comorienne ou encore camerounaise. Elle a plusieurs visages et recouvre de multiples réalités. La cohabitation n’est pas toujours facile ; ainsi j’entends parfois au détour d’un couloir que ce sont les nouveaux arrivés qui profitent des aides sociales et ne veulent pas travailler. Les comparaisons faciles : « Ma mère est algérienne, pourtant elle a toujours travaillé quand nous étions petits ». Alors quand je dit qu’il ne faut pas généraliser, que la réalité est bien plus compliquée que cela, on me répond que je suis jeune et naïve.

    Pourtant, ce que nous avons en commun, ma voisine et moi, c’est justement cette jeunesse de moins en moins naïve quant-à notre réalité, et la précarité de notre situation.

    « Blanche neige » et « Shéhérazade » ont toutes deux troqué leur palais contre un logement social.

    Alors si moi aussi je pensais à émigrer…  où l’herbe serait plus verte et l’économie plus florissante pour rêver de meilleurs lendemains… qui viendrait me le reprocher ?….

    3. Faty, le  Mali et l’immigration

    Les statistiques sur l’immigration  au Mali peuvent paraître déroutantes, mais elles sont loin d’être exhaustives si nous tenons compte de cette immigration clandestine qui déverse, chaque jour des nouveaux candidats au départ pour l’ Europe.

    Au début, les Maliens partaient plutôt vers la Côte d’ivoire, le Ghana, le Gabon… les pays africains plus développés qui offraient une meilleure alternative que la migration des ruraux vers les centres urbains. Le gain est beaucoup plus important, même  s’il faut mettre plusieurs années pour revenir – si jamais retour il y a !-

    C’est avec la participation  des « tirailleurs sénégalais » – qui n’étaient pas que des Sénégalais-  aux guerres mondiales que les frontières du monde se sont ouverts aux Maliens. Ils découvrent un monde grand et les devises étrangères – qui donnent tellement de francs maliens une fois convertis-, notamment  le dollar, les monnaies des pays arabes et c’est parti pour une ruée vers l’or.

    Une ruée bien légitime quand on se permet de jeter un coup d’œil sur les indices de développement du pays qui n’arrive pas à  prendre son envol malgré les efforts– si minces qu’ils en sont devenus invisibles- de l’armée qui s’est installée au pouvoir après avoir mis, Modibo Keita , son panafricanisme et ses idées teintées – d’autres diront noircies- de socialisme rêveur, au cageot.

    Beaucoup de Maliens sont partis vers d’autres cieux et une culture de l’immigré est même née chez certaines ethnies comme les Sarakolés (également appelés Markas au Mali qui ont une prédilection pour les USA, l’Europe), les Songhoïs  (Niger, Côte d’Ivoire, Ghana)… Ces départs vers l’Eldorado saignent des zones entières du Mali. La région de Kayes en est l’exemple palpant : toute la société est axée autour de cette immigration qui la dépouille de ses bras valides, mais heureusement que les partants gardent un lien fort avec leurs familles qu’ils continuent à entretenir par des envois d’argent incessants.

    Ces immigrés gardent un lien fort avec racines et ils reviennent d’habitude prendre femme au village. Des femmes dont la vie est peu enviable. Peut-on être heureuse de construire toute une vie autour d’envois d’argent et de coups de fil ?

    Certaines femmes ne voient « les élus de leur cœur » (si nous nous permettions d’effacer de nos mémoires les rôles joués par les familles dans ces mariages arrangés où des femmes n’ont aucun mot à placer.) que par intermittence, le temps d’une visite quand ils arrivent à se faire régulariser. Sinon, la séparation peut durer plusieurs années. Cela n’empêche pas certains de ces immigrés de se marier à plusieurs femmes au pays et d’en avoir une dans le pays d’accueil . C’est le cas de ceux, évolués –je veux dire instruits, je ne fais jamais dans le racisme moi !-qui ont compris qu’ils pouvaient avoir des papiers plus facilement en s’entichant au mieux avec une africaine régularisée, au pire avec « une blanche »). Sinon, les Sarakolés – qu’ils ne le prennent pas mal- peuvent rester en France longtemps en vivant au foyer et en économisant tout ce qu’ils gagnent pour envoyer à  père, mère, femmes, frères, sœurs restés au Mali, ne pensant qu’au bonheur qu’ils éprouveront pendant les séjours au pays.  Ils trouvent parfois les femmes mères de plusieurs enfants, qui bizarrement ne leur ressemblent, mais ne disent mot.  Je me rappelle de ce gag que j’ai entendu à la radio :

    Un jeune Sarakolé qui appelle son père pour se révolter «  mais papa comment pourrais-je être le père de cet enfant, je n’ai jamais vu ma femme ? » et le père de lui répondre : «  Mon fils, quand tu naissais, je ne connaissais pas ta mère aussi ! » alors envoie l’argent du mouton et tais-toi.

    Ils Acceptent avec humilité la situation et repartent le cœur plein de souvenirs qui leur permettront de tenir face aux durs hivers et travail qui les attendent quand ce n’est pas le racisme.

    Oui, le racisme est l’un des problèmes que rencontrent les immigrés. Il est partout présent de Paris à Los Angeles en passant par tripoli ou Rabat.  Ce n’est pas facile d’être noir  dans un pays où la majorité des habitants sont plutôt pales de teint. Serge Katembera a bien eu un coup de gueule face à l’assassinat d’un jeune congolais au Brésil en envoyant une émouvante lettre à la présidente à Dilma Rousseff, mais Mamady Keita aussi parle de ce racisme si présent en Ukraine, Limoune en Tunisie,  Jean-Michel Hauteville en France, Salma Amadore au Cameroun, Boubacar Sangaré du Mali… et aussi ces jeunes maliens qui ont traversé le désert pour l’Algérie frontalière du Mali en ayant d’abord opté pour une immigration clandestine vers l’Europe par les eaux tueuses de l’océan avant de trouver du travail plutôt bien rémunéré –quand ils comparent au Mali où ils n’avaient rien- et d’y rester.

    Ils sont au nombre de 6 et ont emprunté le même car que moi, pour Bamako. Ils sont venus d’Algérie par Tamanrasset (ville frontalière algérienne). Ils sont emplis d’amertumes. Ils ne savent pas que j’ai déjà commencé la rédaction de ma contribution à ce billet commun. La ligne de mon article en a été transformée car je me voyais juste surveiller le racisme.

    « Ces souraka (arabes) ne sont pas des humains, non, en fait c’est nous qui ne sommes pas des humains pour eux. Ils  prennent les noirs pour des ânes. Pas parce qu’ils pensent que nous ne sommes pas intelligents (même cette hypothèse aussi est possible) mais surtout parce que nous eux, nous sommes des animaux qui ont la peau très dur et endurent tout. Quand ils te donnent un travail qu’un homme normal fait en 3h, ils veulent que tu le fasses en 1h et les voilà qui te crient dessus  « yalla !yalla ! ». »  Me confie celui qui a été un voisin si serviable pendant les 30 h qu’ont duré notre voyage de 1200 Km entre Gao et Bamako, Moussa.

    Voyant l’un d’entre eux trainer la patte –je veux dire le pied, oubliez le bourricot !- je me suis empressée de lui demandé si c’était parce que son pantalon – Adidas, s’il vous plait – tombait trop  et laissait voir un caleçon d’une couleur orangée.

    –          non, grande sœur – ce nom me colle presque à la peau- ce sont les arabes qui nous ont bastonnés là-bas

    –          pourquoi ?

    –           oh juste parce qu’ils ne nous aiment pas et n’acceptent pas que nous puissions gagner de l’argent chez eux, pourtant eux préfèrent ne pas travailler et  crier contre leur gouvernement.  Ils sont entrés dans notre dortoir la nuit vers 2h du matin pour nous battre et prendre tout ce que nous avions. Beaucoup ont fini à l’hôpital, nous avons choisi de revenir au Mali avec ce que nous avions caché ailleurs. Sinon ils nous ont tout pris, télé, téléphone, vêtements de marque…

    –          Vous êtes rentré sans problème ?

    –          Non, cela décourage de voir la conduite des hommes de tenue sur les route au Mali, de l’Algérie à ici, j’ai pratiquement perdu tout ce qui me restait. il faut arranger tous les postes. J’ai une télé écran- plat que j’ai eu envie de jeter dans le désert tellement ils m’ont fatigués. Si je savais j’allais garder l’argent pour l’acheter au Mali.

    –          Tu y retourneras ?

    –          Oui dès que ça se calme. Je vais prendre le temps de manger -dépenser- ce que j’ai-

    –          Malgré tout ca ?pourquoi ?

    –          Parce que je n’ai pas étudié et que je ne trouverai pas de travail aussi bien payé que là-bas à Bamako. Je n’ai pas de choix, sauf si je fais comme les amis, je me contente des miettes que mes frères me donneront et que passerai mon temps à faire du thé devant notre concession. Je n’ai pas le choix ! IL faut que je reparte.

    Comme ce jeune Abdoul, beaucoup de jeunes maliens se retrouvent sur les routes de l’immigration clandestine pour échapper au chômage, par fierté. Chaque jour. Combien meurent dans le désert du Niger en cherchant à rejoindre la Lybie, l’Algérie ou la Tunisie ?

    4.  « Douala, cet autre eldorado » par Josiane Kouagheu

    Deux chèvres broutent. Un coq picore. Une poule, accompagnée de ses poussins, va à la quête des graines à picorer. Des oiseaux gazouillent. Je regarde tout ce spectacle de la gare routière de mon village. De ce qui tient lieu de gare ici. Un banc couvert de poussière, deux régimes de plantains, juste à côté. Mais ce qui m’intéressait n’était pas ce spectacle. C’était ce que je lisais dans le regard de ces jeunes qui nous observaient. Ils savaient que nous allions à Douala. Ils étaient venus nous dire au revoir. Comme toujours, ils étaient surtout venus nous entendre leur raconter nos derniers souvenirs.

    Douala, cette belle ville, pensaient-ils. Pour eux, j’allais où il y avait de l’avenir. Chacun d’eux rêvait de Douala comme nous, habitants de Douala, rêvions de découvrir Paris, New-York, Berlin, Rome, Londres, Barcelone… Leurs regards sont pleins d’étoiles. Pour eux, Douala était où ils pouvaient avoir un bon boulot, un peu d’argent, une vie en rose quoi. Au village, le jeune cultivateurs « Man », par exemple, allait au champ le matin, buvait du vin de palme le soir avec ses amis au club « matango », cet espèce de bar villageois. Il regardait la télévision de temps en temps chez le grand boutiquier du village. « Monotone, moche… cette vie », disait-il dans son cœur. Il n’y avait même pas d’électricité par ici.

    Et Douala devenait leur eldorado

    Je l’ai lu dans leurs regards. Lors de nos discussions, ils m’observaient toujours, comme si j’étais une certaine « idole », un peu comme nous, devant les « mbenguistes », ces camerounais qui vivent en occident. Je viens de Douala, voilà ce qui les intéresse. Je peux les aider à y arriver. Ils me disent alors qu’à Douala, ils trouveront un emploi, n’importe lequel. Ils pourront tout faire. Ils me disaient avec assurance, qu’il y avait du travail pour tout le monde. Et au fil des années, certains ont réalisé ce rêve.

    Ils sont arrivés à Douala. Plusieurs sont devenus des voleurs. Ils ont été tués dans « leur » Douala. D’autres sont des enfants de la rue, des prostituées. Certains ont réussis. Mais au finish, la majorité a su que Douala n’était pas cet eldorado dont ils rêvaient. Ils ont déserté leur village, cet espace plein de terres vierges, qui appellent des cultures. On peut le transformer en richesse. Mais, Douala attire. Douala, c’est leur eldorado.

    Entre l’exode rural et l’immigration, le Cameroun perd ses fils

    5. Danielle Cynthe Ibohn ou l’immigration culturelle

    Je suis censée écrire sur l’immigration depuis une semaine. Mes copines mondoblogueuses étions biaisées par ce qui se passaient à Lampedusa. Alors nous décidâmes d’en faire un billet. Ceux qui partent et ceux qui restent. Je vais être sincère. Mon point de vue sur ce thème ne sera pas objectif. Je suis issue d’une tribu qu’on appelle les « Sawa » au Cameroun. Nous sommes le peuple de l’eau. Nous y vivons, nous nous nourrissons. Chez nous, l’ascension sociale se définit par le nombre d’immigration que fait votre famille en Europe. Je suis sûre que si vous recensez le canton « sawa » 70 % ont immigré et 30% restant cherche à y aller. Alors lorsqu’on parle d’immigration, je ne sais pas comment trop réagir.  Cependant, une chose mets tout le monde d’accord ; C’est une question culturelle l’immigration. Si pour bon nombre, elle est liée à des difficultés financières. Chez nous, ça n’y est pas forcément. Le fait d’y être est un exploit, une ascension dans la société « sawa »

    Je parlerais  comme une anthropologue en immersion dont le sens de l’objectif ne peut être présent car en immersion depuis 25 ans. Pendant des années, une jeune sawa peut économiser juste pour avoir son ticket pour « mbeng » la plupart du temps, la famille ne sait ce qui se passe là-bas. Mais une chose doit être certaine. Il faut au moins un Western union par mois. Aucune fête de fin d’années ne se passe sans eux. J’aime ma tribu, mais bon. Je ne comprends cet engouement pou l’Europe. Ce n’est pas impossible pour eux de braver Lampedusa. Mais ça c’est tabou. Comment on y va, comment on y vit. Tout ce qui compte c’est l’apparence. L’arrivée est majorée par un coup de fil dont on informe le voisinage à tue tête en y répondant. Plus moderne, aujourd’hui il se traduit par les réseaux sociaux et facebook où sont affichées les photos de l’arrivée.

    Na mala o Franci , j’irai  en France

    Na mala o Europa, j’irai  en Europe

    J’épouserai  un blanc et j’aurai  des métis

    Qui sait ? Ils disent tous que c’est dans nos gènes l’immigration

    Allez Son’aponda !


Marseille: IAM ou les papas du rap français à la maison

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Crédit photo : Kelly Julio

Il  y a des rendez-vous que l’on ne peut pas manquer. Celui-là était l’un d’eux. Même après un avion raté, une fête de Tabaski passée et une folle envie de rester à Dakar, je l’ai honoré.Trois ans que j’attendais ça. IAM – en concert – à Marseille –  vendredi dernier. Sans doute le dernier…

La citée phocéenne devait encore être ma ville ce jour là, comme elle était encore la leur, pour un Dernier coup d’éclat.

Pour cet art brut fils des bas fonds, poésie de ces temps, résistant aux vents violents, martelant mes tempes de ces tas de phrases torturées, ces feuilles raturées (« Dernier coup d’éclat »).

Le destin en a voulu ainsi. J’ai finalement réussie à prendre un autre avion pour arriver en temps et en heure jusqu’au Dock des Suds de Marseille où avait lieu le concert.

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Crédit photo : Kelly Julio

Étrangement, je n’étais pas la seule ce soir là. A croire que le tout-Marseille s’était donné rendez-vous, tant la salle était bondée. Je ne m’étais pas préparée à un tel bain de foule à l’accent chantant. Le temps de réaliser où j’étais et je me suis laissée embarquer par le flow

Car ils nous l’ont prouvés, ceux qui dansaient le MIA au début des années 80 en survêtement Tacchini et Mocassin Nebuloni n’ont rien perdu de leur classe et de leur verve. Si leur dégaine de Bad Boy de Marseille s’est faite plus sage, c’est peut-être que les papas du rap français ont depuis roulés leur bosse à L’école du Micro d’argent, comme l’indique le nom de leur troisième album, et à l’école de la vie.

La bande passante – 20/04/2013 – 1ère partie

(19:29)

Ils ont commencé à rapper en 1988, soit très peu de temps après ma naissance, en y réfléchissant bien. Pourtant, lorsque j’écoute leurs premiers titres,  Je danse le MIA, Red Black and Green, Planète Mars, Nés sous la même étoile… c’est comme si j’avais l’impression qu’ils incarnaient parfaitement ma génération.

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Crédit photo : Kelly Julio

Et j’ai aussi eu cette impression vendredi soir en les écoutant en live, comme s’ils représentaient exactement ce que le rap français est à mes yeux… Loin, très loin de ce que j’entends parfois aujourd’hui à la radio. Choc générationnel, On y est. C’est avec ce genre de constat que l’on se rend compte que l’on vieillit, que l’on n’est plus à l’âge des jeux de bille et des goûters aux pains au chocolat. Comme en regardant nos idoles d’hier nous parler des problèmes d’aujourd’hui.

« Désintégration » le mot est lâché par Akhenaton, lors de la présentation de leur album sur RFI, en parlant de la phrase qui a inspiré le titre de la chanson Pain au chocolat. Elle était de Jean-François Copé, mais il y en a eu tant d’autres, de ces phrases assassines de nos politiciens, venant pointer du doigt les français d’origine coupable, pour un coup médiatique destiné à relancer leur place dans les sondages ou a capter les voix de leur électorat le plus à droite. Les conséquences sont désastreuses et c’est ce qu’a voulu expliquer IAM avec ce morceau.

La bande passante – 20/04/2013 – 2ème partie

(26:30)

Dénoncer, ils essaient de le faire sans trop d’amertume pour ne pas devenir aigri, par les histoires de vie, le contexte de Marseille des années 80 dans lequel ils ont grandi, les contextes familiaux et les parcours de certains parfois difficiles… autant d’éléments qui les ont poussé à écrire. Ainsi, ils n’ont pas hésité à monter au créneau pour dénoncer les dérives d’une ville qui s’est notamment fait connaître grâce à la culture du Hip-Hop mais qui l’a oublié dans sa programmation de capitale européenne de la culture 2013.

Un ville dont ils sont fiers d’être les enfants, souvent stigmatisée et qui s’enferme parfois elle-même dans une image de mauvaise-fille, par la rumeur et la désinformation. Une ville où assis sur les terrasses on cherche les yeux dans les étoiles où est la foi pour ne pas mettre les voiles (« Notre Dame veille »).

Si parfois leur encre se fait amère, ils essaient de l’adoucir avec des notes d’espoir ou de dérision. C’est un peu l’équilibre que j’essaie de trouver dans mes textes. Le parallèle est facile, je vous l’accorde, car ils jouent avec les mots comme j’aimerais pouvoir le faire et ils demeurent toujours un exemple à suivre, par leur parcours mais aussi par leur intégrité et leur engagement.

La bande passante 3 – 20/04/2013 – 3ème partie

(19:30)

Cet album « Arts martiens », avant le dernier qu’ils sont venus nous présenter à la maison, est comme le signe de nouveaux combats pour lesquels ils ont repris le mike, « par devoirs envers leurs enfants ». Comme si leur dernier retour signifiait qu’il y a encore des choses à dénoncer. Trop peut-être.

L’inspiration, ils la trouve dans l’injustice, le racisme, la corruption, les malversations… Tristes réalités toujours d’actualité vingt cinq ans plus tard, pour eux ou pour leurs petits frères.

La bande passante 4 – 20/04/2013 – 4

(26:31)


A Marseille et ailleurs, on est encore aujourd’hui loin de l’idéal de la France Black-Blanc-Beurre de France 98, lorsque Zizou était notre héros national et que son portrait trônait encore sur la façade de l’immeuble de la corniche. Parce que depuis, il a été recouvert, et dans le même temps s’est enfoui le mythe d’un pays qui n’aurait pas de couleurs. Si ce changement de cap, comme un changement de siècle, on le ressent dans les textes d’IAM, c’est aussi ce que l’on perçoit dans le regard des gens, lorsque l’on s’éloigne un peu de l’hexagone.

Loin de jouer les moralisateurs, les rappeurs d’IAM aux noms de pharaons viennent nous conter leurs expériences, poser leurs questionnements et nous expliquer les raisons de la colère. 

Parceque peace love et having fun (paix, amour et plaisirs) sont devenus bitch, drogues et heavy guns (chiennes, drogues et armes lourdes). Rares sont ceux ceux qui ont des roses à offrir. Bienvenue[…] où le sens de la vie s’est égaré dans la brume, où les petits ne savent pas poser un nom sur un légume. (« Les raisons de la colère »)

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Crédit photo : Kelly Julio

Alors lorsque nous aussi nous cherchons des réponses, il est bon d’écouter leurs textes et d’y puiser les ressources pour avancer. Et à mon sens, c’est ici que l’on reconnaît les grands artistes des modestes chanteurs, lorsque leur art est non seulement beau et puissant, mais surtout lorsqu’il agit sur le spectateur qui ne se contente pas de l’écouter, mais plutôt de le vivre.

Les lumières se sont éteintes sur le Dock des Suds, mais les artistes nous ont laissé avec leurs textes, pour aller y puiser l’inspiration et exorciser notre nostalgie d’une époque révolue… Alors qu’une autre est encore à construire.

On pense plus à demain qu’hier. En quête du bonheur suprême, chacun se bat pour lui. Certains l’espèrent du fond de leurs prières. Un beau jour il débarque évident comme l’évidence et devenu tellement rare. (« Après la fête »)

Le dernier album d’IAM sortira le 18 novembre 2013  et leur premier extrait « Si j’avais 20 ans » sera disponible ce 25 octobre ici.


Staff (é) Benda Bilili… Très très fort !

Crédit image : www.staffbendabilili.com
Crédit image : www.staffbendabilili.com

Samedi soir, à l’usine, à Istres (région Provence-Alpes-Côte d’Azur), j’ai assisté à un concert. Un concert époustouflant. Un concert d’un groupe hors du commun. Ceci pourrait être la phrase d’accroche, pour vous conter ma soirée. Mais pour vraiment que vous compreniez le sens de celle-ci, il me faudra remonter bien plus loin pour dérouler le fil de l’histoire.

Cette histoire-là va vous emmener très très loin et fera très très fort. On s’envole pour Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, ou ex-Zaïre, comme certains l’appellent encore aujourd’hui. On entend peut-être trop peu parler de ce pays, mis à part pour parler du conflit au Nord-Kivu, ou plus récemment, des athlètes volatilisés lors des derniers jeux de la Francophonie. Ce n’est pas ce genre d’histoire que je m’en vais vous conter.

Laissez vous porter par l’ambiance… On est dans les rues de Kinshasa, en 2005, et l’on rencontre Papa Ricky, Coco, Théo, Roger et tous les autres. Ceux-là font de la musique dans la rue, avec des « instruments rafistolés » (cf. RFI) et ils le font bien. Malgré la galère, malgré le handicap. Car, on l’oublie très vite en les voyant jouer, mais la moitié des membres du groupe est handicapée, des suites de la polio, maladie qui les a forgés, et qui a aussi inspiré les paroles de leurs premières chansons.

La suite de l’histoire est assez inattendue. Certains médias la qualifient de « conte de fées » mais comme cela fait longtemps que je ne crois plus aux fées, je préférerais l’expression du journal l’Humanité :

«Staff Benda Bilili incarne une résilience tissée de combativité »

La résilience, en écho au terme popularisé par Boris Cyrulnic, le « pape »  de tous les travailleurs sociaux, qui signifie « La capacité pour un individu à faire face à une situation difficile ou génératrice de stress. […] La résilience entraîne : la défense-protection, l’équilibre face aux tensions, l’engagement-défi, la relance, l’évaluation, la signification-évaluation, la positivité de soi, et la création. » Enfin, on y est.

 En 2009, les musiciens de Kinshasa sortent leur premier album « Très très fort », enregistré dans le parc zoologique de leur ville. Ils font un premier concert la même année aux Eurockéennes de Belfort puis tout s’enchaîne très vite. Le documentaire, réalisé par Florent de la Tullaye et Renaud Barret, qui les avaient découverts 5 ans plus tôt, sort en 2010 et est projeté à la quinzaine des réalisateurs à Cannes. Il leur fera véritablement une place sous les projecteurs. Emissions télé, radio, articles dans les journaux, la machine médiatique s’emballe. Leur talent fera le reste et les emmènera jouer sur toutes les scènes du monde, loin, très loin des rues de Kinshasa. La sortie de leur deuxième album, en 2012, vient confirmer leur statut de « stars » et leur reconnaissance dans le monde de la musique.

Le chemin parcouru, on le voit aux poils de barbe de Roger, la mascotte du groupe, qui ont poussé depuis les débuts du groupe. Car le petit garçon timide que l’on voyait dans le documentaire a bien changé, alors que ses « papas » n’ont eux, pas l’air d’avoir pris une ride de plus. Son instrument, le satongue, fabriqué avec une boîte de conserve et un bout de bois, qui donne toute la personnalité à la musique du Staff, est même devenu électrique, en même temps que cette musique  s’est faite, elle, plus éclectique.

Alors bien sûr, l’histoire n’est pas toute rose : le groupe a traversé des tempêtes, comme le décès de Nzale, membre originel du groupe et compositeur de la chanson « polio », en novembre 2012. Il y a aussi eu vent de séparation, des tournées annulées pour cause de mésentente, mais le staff est toujours là, pour notre plus grand plaisir, et nous espérons qu’il continuera longtemps à faire danser les foules du monde entier. Nous leur souhaitons toute la réussite du Buena Vista Social Club, le fameux orchestre cubain à qui souvent on les compare et à qui ils doivent même le nom de « Kinshasa Social Club » (cf.Times).

Mais je préfère encore celui de Benda Bilili, qui signifie littéralement « regarder au- delà des apparences ». Et c’est ce qu’ils nous ont invités à faire, samedi, après trois heures de fête et de danse. Car la musique de cette joyeuse équipe de « bras cassés », emprunte à la rumba congolaise, est communicative, et leur joie de vivre aussi, à en croire l’euphorie qui a gagné peu à peu l’audience, et ce drôle de bonhomme à côté de nous en chemise africaine, qui gesticulait dans tous les sens, en imitant les paroles du Staff. Un pur bonheur !

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline.

Et comme les vraies stars ne le sont jamais sans groupies, nous nous sommes prêtées au jeu pour l’occasion, pour aller saluer ces artistes qui, nul ne saurait en douter, savent apprécier pleinement cette partie de leur métier ! Ma seule recommandation, chers lecteurs, pour retrouver un brin de joie à la sortie de l’été, allez voir et écoutez le Staff Benda Bilili, l’effet sera garanti et sans autre forme de contrainte.


Epopée fantastique en terre kremlinoise

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

Qu’est-ce que Mondoblog ? Qu’est-ce qu’un mondoblogueur ? Qu’est-ce que 150 mondoblogueurs ? Voici quelques unes des questions auxquelles j’ai dû répondre ce samedi 7 septembre, lorsque je foulais pour la première fois le sol du Kremlin-Bicêtre, à l’occasion de la fête de la ville : une commune de la région Île-de-France.

Je retrouvais alors Marie et Julie, que nous avions laissées en avril dernier. Elles avaient alors formé la première délégation kremlinoise en sol sénégalais, entourées d’une horde de blogueurs, à l’occasion de la formation Mondoblog à Dakar.

La pression était grande pour moi, car je devais trouver des réponses à ces questions, alors que je me trouvais déconcertée, dépourvue cette fois, de mes collègues mondoblogueurs. Car un mondoblogueur et 60 mondoblogueurs, ce n’est pas du tout la même chose !

J’ai donc chiné, enquêté, exploré, parmi tous les stands associatifs installés pour cette occasion annuelle de rencontre et de partage, et parmi les acteurs que j’ai croisés sur ma route… des liens, des passions, des engagements qui évoqueraient les mondoblogueurs, pour tenter de donner une vision de notre « monde de blogueurs » la plus juste et la plus complète possible. Cette quête avait bel et bien des allures de voyage…

Je me suis d’abord retrouvée immergée dans le monde des geeks, un monde où l’on commente des parties de jeux vidéo comme des matchs de football, à l’instar de Pierrick, Faty, Serges, René et tous les autres, qui nous abreuvent de leurs pronostics, et de leurs commentaires : « La fin de la carrière internationale d’Eto’o », « le meilleur but de Pelé », « la défaite du PSG… ». Je me demandais si les joueurs de jeux vidéo avaient ce genre de discussions.

J’ai aussi entendu parler, dans l’incubateur de start-up de Creative Valley, de lunettes dignes du film Matrix, qui donnent en temps réel, les informations sur ce que l’on a sous les yeux : la taille de la médiathèque 2.0, le coût du café au bistrot du coin, l’origine du nom de la ville du Kremlin-Bicêtre… Plus besoin alors de sortir son iPhone ou son Wiko pour aller chercher tout cela sur Google ou Wikipédia. Mais au-delà de ces gadgets qui auraient fasciné Sinath, ce qui a retenu mon attention, dans les explications de Yann Gozlan, président de Creative Valley, c’est la révolution sociale que les innovations technologiques pouvaient engendrer.

Et cette idée à été illustrée par le concept de la Web Academy, initiée par Epitech, école partenaire de Creative Valley, très similaire à l’école 42 de Niel. Des jeunes n’ayant aucune formation initiale en informatique peuvent s’engager et développer de nouvelles compétences. Yann met l’accent sur les opportunités qu’il existe dans les métiers du numérique, et rendre leur accès à toutes les classes sociales est important pour leur permettre de saisir ce virage numérique, qui construira sans aucun doute le monde de demain.

Encouragée par ce constat, j’ai poursuivi ma route, dans d’autres univers de l’engagement social. Je me suis retrouvée en Palestine, sur les traces de Limoune et du Berliniquais, attirée par les motifs familiers des keffiers. L’association Couleurs Palestine propose des voyages à la découverte de la culture, de l’histoire et du patrimoine de cette région du monde où la durée et la profondeur du conflit rendent toute objectivité impossible. Les vives discussions devant le stand m’en ont apporté la preuve.

J’ai continué ma route, vers le pays de Lalah et Rija, qui fût aussi un temps celui de Stéphane : Madagascar. L’association Génération Massoala Madagascar propose un reboisement et des projets de formation sur la presqu’île de Massoala.

J’ai aussi été visité, au détour d’une tente, le pays de Nora et d’Aphtal avec la rencontre d’un étonnant duo qui écoute RFI et qui avait entendu le nom de leur ville du Kremlin-Bicêtre sur les ondes. Le partenariat initié cette année avec Mondoblog avait donc été entendu par quelques habitants.

Rose Claire De Souza et René Hauvier, respectivement présidente et trésorier de l’association ACSED ont des raisons bien précises à leur engagement au Togo. Parce qu’ils sont Franco-Togolais d’abord, et que c’est un moyen d’apporter leur petit grain de sable auprès de ces enfants déshérités de leur « mère Afrique ». Rose Claire nous explique qu’elle était assistante maternelle, et qu’elle prenait soin des enfants français, elle a donc voulu aussi s’engager pour les enfants togolais.

Les liens entre le Togo, la France, sont donc perceptibles dans les actions de l’association qui vise ici à sensibiliser les gens aux problématiques togolaises, instaurer des parrainages d’enfants victimes de violence, soutenir les enfants de la diasporas ; et là-bas à « Contribuer par ACSED à l’amélioration des conditions de vie des enfants et des jeunes défavorisés en particulier du Togo et en général d’Afrique », procurer aux enfants parrainés une aide  à l’éducation, à la santé et à la formation professionnelle pour leur permettre de générer des revenus et faire primer ces activités sur la violence.

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

Après ces intenses palabres, le point d’orge de mon périple a été le Sénégal, pays de la terranga et des pastels. Rien de surprenant à cela.

J’y ai rencontré Fatoumata Thiam, présidente de l’association Fraternité africaine et jeune Kremlinoise engagée, en France, au Sénégal et en Afrique.

En France d’abord, car issue de la diaspora, Fatou m’explique que cette association c’est pour amener les gens à aller voir comment ça se passe « là-bas », pour « soutenir l’action culturelle via des échanges avec l’Afrique et sensibiliser les pouvoirs publics sur les enjeux de la solidarité internationale en France ». Mais c’est aussi pour montrer qu’en étant issue de la diaspora, on peut agir ici, où on lui demande de « faire ses preuves » peut-être plus qu’à nous.

Au Sénégal, en montant des projets avec « l’Empire des enfants », association dédiée aux enfants, le plus souvent sortant de la rue (talibés). Mais aussi en faisant connaître aux voyageurs la culture, la vie sociale et l’histoire du pays, au-delà des simples logiques marchandes du tourisme de masse. Le voyageur n’est pas ici envisagé comme un simple spectateur, mais plutôt comme un acteur, pour donner du sens à sa présence dans le pays, sur place et à son retour.

En Afrique aussi car le Sénégal n’est qu’un point de départ. Les membres de l’association connaissent le pays, et il est donc plus facile dans un premier temps de commencer par là, mais ils envisagent de faire découvrir d’autres pays africains. Enfin, par un soutien informel auprès des diasporas africaines vivant au Kremlin-Bicêtre, d’entraide et de partage.

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

Au terme de mon « voyage » exploratoire, je n’ai finalement trouver qu’une certitude. Mondoblog ressemblait un peu à la fête de la ville du Kremlin-Bicêtre, car on y retrouve des gens qui ont des choses à dire, des combats à mener, et qui adorent vous les conter. J’ai aussi pensé que l’on soit d’ici ou d’ailleurs, c’est souvent cet « ailleurs » qui nous pousse à questionner ces différentes réalités et à nous engager pour amener les autres à en faire autant, dans notre communauté, dans notre ville ou dans notre pays.